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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tous, mon maître ayant obtenu passeport de M. de Nemours et moyennant
pécunes, un laissez-passer du capitaine Saint-Laurent, de franchir les lignes
royales.
    — Tiens
donc, dis-je, le capitaine Saint-Laurent ! Il en est donc que cette guerre
nourrit ! Mais, mamie, d’où vient que tu aies telle fiance en moi, ne
m’ayant jamais vu.
    — Vramy,
dit-elle, je vous connais, moi ! Vous ayant, lors de votre dernière
visite, espinché fort curieusement par l’entrebâillement de la porte, étant
béant, que M. de L’Étoile, qui est de bonne noblesse de robe, et au surplus,
allié par sa première femme à un baron, descendît à faire tant de cas d’un
simple marchand drapier.
    À quoi je ris
à gueule bec, ce qui me fit grand bien.
    — Mamie, dis-je,
toujours riant, à t’ouïr, on te croirait noble toi-même.
    — Nenni,
dit-elle en redressant la crête, mais quand même que je ne sois pas noble, si
suis-je pourtant de bon lieu.
    — Mais
moi aussi.
    — Vramy,
je le crois, dit-elle, à vous voir si bien causant, et surtout si poli. Car je
sais d’aucuns de votre état qui, se trouvant seuls avec moi, m’auraient déjà
biscotté les tétins.
    — À Dieu
ne plaise, dis-je, que je manque de respect à tétins de bon lieu.
    — Monsieur,
vous vous gaussez.
    — Nenni,
nenni, et pour tout dire, je t’aime assez, tout simple marchand drapier que je
sois.
    — Adonc,
avec moi demeurez.
    — Hélas,
cela ne se peut. J’ai affaire urgente avec ton maître, et cours de ce pas au
palais.
    — Ha !
Monsieur ! je serai seule derechef ! Je tremble ! Je vais
mourir !
    — Mamie,
l’huis est de chêne robuste, aspé de fer et fort bien remparé. Et qui oserait
le vouloir rompre n’en aurait pas seulement la force.
    — Monsieur,
dit-elle avec un grand soupir, avant que de départir, une brassée de grâce, et
un baiser, je vous prie, là, sur ma joue, pour me donner fiance et vaillance,
quand serez de moi enallé.
    Ce que je fis
du bon du cœur, ayant autant besoin qu’elle d’être conforté, non point comme
elle de chimériques craintes, mais des horreurs nauséeuses que je venais
d’envisager. Et certes, mon familier démon, lui aussi sur sa faim, m’eût
peut-être porté à m’attarder davantage à ces enchériments si le souci de ma
mission, laquelle était, comme bien on sait, de tout voir et tout ouïr de ce
qui se passait en Paris, ne m’eût arraché, à la parfin, au tendre licol de ces
bras potelés pour courre au palais.
    Le quidam
n’avait point menti à L’Étoile. Je trouvai là un grand concours de peuple qui
criait à la faim, pour la plupart pauvres et maigrelets, à qui se mêlaient pourtant
des bourgeois, d’aucuns en presque aussi mauvais point ; d’autres gras
assez, et même, à ce que je vis, quelque noblesse, et aussi, des ligueux
notoires qui promenaient dans la foule leurs yeux aigus et leurs grandes
oreilles, suspectant que derrière le mot « faim » se cachât le mot
honni de « paix ». En bref, il s’encontrait là une multitude
moutonnante et bigarrée où il m’eût été plus aisé de trouver une aiguille sur
le pavé que mon cher L’Étoile. Je demeurai, néanmoins, voyant bien que la Ligue
se trouvait fort décontenancée par ces gens qui, n’étant ni armés, ni rebelles,
ni politiques, criaient tout bonnement le grand dol de leur estomac creux, de
leurs forces déclinantes et de leur imminente mort : cris jaillis des
entrailles vides, où le plus encharné ligueux n’aurait pu trouver rien de
séditieux, et pas même matière à pendre : ce qui eût pourtant tout résolu.
    Cette presse
s’accroissait à chaque minute et emplissait les quais de la cité et les rues
avoisinantes sans violence aucune, mais fort têtue en son unique et gémissante
prière : qu’on leur donnât du pain ! du pain ! du pain !
Vœu qui finit, je gage, par parvenir jusqu’aux oreilles des puissants, pour ce
qu’une demi-heure à peine s’était écoulée depuis mon advenue devant le palais
que l’on vit arriver des arquebusiers, lesquels précédaient, suivaient et
entouraient un carrosse découvert, plus orné de dorures qu’un retable d’église
romaine et où avait pris place ce que mon cher L’Étoile appelait si bien la
quadruple monarchie de la capitale : à savoir le duc de Nemours, le
cardinal légat Cajetan et l’ambassadeur Mendoza. À vrai dire, une tête faillait
là : celle des Seize, qui comme l’Hydre de Lerne en avait

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