Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
«s’épuisent sans se rassasier ») ; elle était grande, blonde,
l’œil bleu fort vif, et de sa charnure « bien rondie de partout »,
comme eût dit Héloïse, sauf que depuis deux mois ses rondeurs avaient prou pâti
de la famine. Mais ronde ou point, et combien que j’aime le sexe auquel, en sa
mûrissante maturité, la Montpensier appartenait, je ne pouvais m’empêcher en
mon for de l’envisager avec haine et dégoût, pour ce que bien je savais qu’elle
avait armé contre mon pauvre bien-aimé maître le bras de Jacques Clément.
    Encore que de
son coloris, de sa stature, de son habitus, la Montpensier fût toute
lorraine, sa mère, M me de Nemours, était mi-française, mi-italienne,
sa mère étant Renée de France et son père, le duc de Ferrare. Ces origines, à
soi seule, me la rendaient aimable, Renée de France ayant, de son vivant, fort
protégé les huguenots et le duc de Ferrare lui-même inclinant à la réforme. Il
est vrai que de par son mariage avec François de Guise, la princesse ne peut
qu’elle ne devînt catholique et ligueuse, mais le fut, sa vie durant, très
tièdement, par devoir plutôt que par amour. En outre, les passions violentes de
la Ligue ne s’accordaient guère à sa bénignité naturelle, laquelle était si
unanimement reconnue que notre ami périgordin Brantôme était accoutumé de dire
que Nul ne s’était jamais trouvé, à qui elle eût fait mal ni déplaisir. La terre, sinon le ciel, s’étonnera un jour que cette femme angélique ait pu
donner naissance à Guise, au cardinal, à Mayenne et à la Montpensier, la pire
de ses enfants.
    Les deuils ne
lui avaient pas manqué, ayant perdu son premier mari et deux de ses fils par
assassination, et son deuxième mari, Nemours, par intempérie, mais rien ne
pouvait durablement aigrir cette âme douce dont la corporelle enveloppe
brillait d’un éclat céleste, n’étant pas sans rappeler sa grand-mère, Lucrèce
Borgia, dont elle avait, hors les vices, tout hérité, le cheveu blond, épais
comme fourrure, l’œil bleu azur, la bouche mignarde et le long cou flexible.
Mon père qui l’a vue quand à dix-huit ans elle épousa François de Guise (sous
lequel il avait combattu à Calais) me devait répéter souvent qu’il tenait la
princesse, en ses jours verdoyants, pour la femme la plus belle de la
chrétienté.
    Elle avait, ce
jour que de présent je conte, passé cinquante-sept ans, le cheveu fort beau
encore, mais par l’âge poudré à frimas, ce qui n’avait d’autre effet que
d’adoucir encore ses traits suaves, sa face étant demeurée, en dépit de ses
ans, émerveillablement jeune, la chair ne se trouvant pas affaissée du tout,
mais tout le rebours, lisse, ferme et bien tirée sur les os, et toutes sa
personne, au surplus, en son déportement, en son œil, en son souris, en la
manière dont elle courbait sa jolie tête sur son cou élégant, montrant une
grâce italienne que sa fille n’eut jamais.
    J’imagine que
mes regards, tout prudents qu’ils fussent, durent trahir les sentiments avec
lesquels je l’envisageais car, tandis que la Montpensier jasait
interminablement, en ne faisant pas plus de cas que moi que si j’avais été le
tabouret sur lequel elle posait les pieds, M me de Nemours parut
s’aviser de mon humiliante situation, debout et bec clos derrière elles, alors
même que sa fille m’avait baillé l’entrant. Et mettant à profit une pause dans
le caquet de la Boiteuse, elle tourna vers moi sa tête fine et poussant la
condescension jusqu’à me voussoyer, elle dit avec enjouement :
    — Eh
bien, maître drapier, qu’avez-vous donc à nous apprendre ? Je suis
curieuse de vous ouïr.
    — Madame,
dis-je avec un profond salut, j’attends que Madame votre fille me commande de
parler.
    — Parle
donc, drapier ! dit la Montpensier d’un air mal’engroin assez, la douce
rebuffade de sa mère n’ayant pas manqué de la piquer.
    À quoi, je lui
fis un salut de la même aune qu’à sa mère, et un autre encore à Jeanne de La
Vasselière, ayant observé que les marchands les plus âpres à barguigner pour un
demi-sol ne sont jamais chiches en civilités.
    — Madame,
dis-je en me tournant vers la Montpensier puisque j’étais chez elle, je me
nomme Coulondre, et suis marchand drapier, ayant boutique en Châteaudun avec ma
cousine, laquelle est veuve devenue, et en raison de quelque mévente des
étoffes en ma province, je conçus fin avril, le projet de venir vendre

Weitere Kostenlose Bücher