La Violente Amour
gueule bec, que ces Français sont vifs ! Ma
fournaise, tudieu ! Je répéterai ce mot à la reine ! Elle en mourra
de rire !
— Comment
se porte Sa Majesté ?
— Fort
tristement en ces jours, dit my Lady Markby, elle-même s’attristant, Walsingham
est mourant et comment la reine trouvera-t-elle jamais serviteur plus
zélé ? Mais mon Pierre, que faites-vous céans en la même déguisure où je
vous vis en Paris le jour des barricades ?
— Et que
faites-vous céans, my Lady ?
— La défense
de Londres passant par Paris, Philippo regnante [24] , je tâche de
faire entendre raison à ces fous de Français.
— Quoi,
dis-je, une ambassadrice en cotillons ? Et my Lord Stafford ?
— Il
serait bien trop voyant en cette Cour, tandis qu’Henri vivant entouré de
cotillons, un de plus ne se remarque pas.
— Même si
ses poches secrètes abritent un pistolet.
— Et une
dague, la Sainte Ligue étant si assassineuse.
— Comment
va la bonne Lady T. ?
— Elle
est à Londres et elle est bonne, que cela lui suffise, et à vous aussi,
Monsieur, dit my Lady Markby contrefeignant une ire que peut-être elle n’était
pas sans ressentir. Mon Pierre, reprit-elle, avez-vous le corps aussi fidèle
que le cœur ?
— Si
crois-je.
— Si
verrons-nous.
— Ceci,
Madame, qui paraît menace, m’est suave promesse.
— Langue
française, langue dorée. Une fois encore, Monsieur, que faites-vous
céans ?
— My
Lady, je saille de Paris, et ayant vu le roi, y rentre. Mais je le veux voir à
la dérobée et en logis secret.
— Le
mien, dit my Lady Markby promptement. Qui sert Henri sert Elizabeth. Et je vous
serai bonne hôtesse, mon Pierre, encore que je ne sois pas tant bonne que votre
bonne Lady T. Qui plus est, je vois, moi, le roi à toute heure du jour.
— C’est
que je le dois d’urgence entretenir !
— Demain,
dit-elle d’un ton de souveraine autorité. Ce soir, mon Pierre, vous êtes à moi.
Ma coche, mes
commis et moi-même ayant donc trouvé où nous remiser en cette Saint-Denis
surpeuplée, je ne pouvais qu’être content d’avoir encontré my Lady Markby,
laquelle, outre qu’elle était, pour ainsi parler, mon pendant anglais (jouant
auprès d’Elizabeth le même rollet que moi auprès de Navarre), m’avait offert
secours et refuge le jour des barricades et comme se peut ma belle lectrice
s’en ramentoit, m’avait caché à croupetons sous son ample vertugadin pour me
permettre d’ouïr l’entretien que le très ligueux comte de Brissac avait
demandé, dans Paris insurgé, au nom du duc de Guise, à my Lord Stafford.
Cependant,
belle lectrice, ce serait me déconnaître et ne point m’aimer à mon aune et
mesure véritable que de me croire tout à plein heureux pour ce que j’avais
trouvé bon logis, bonne chère et chaleureuse hôtesse. Bien le rebours. Deux
vives craintes ne laissaient pas que de me tabuster. Je redoutais que my Lady
Markby, amenant le roi en son logis, ne présumât – comme moi-même je
l’eusse fait à sa place – de se vouloir présente à notre entretien. Ce que
j’eusse trouvé peu souhaitable, ne cuidant pas que le roi voudrait qu’Elizabeth
en sût autant que lui sur les affaires de France.
Quant à ma
deuxième appréhension, elle ne touchait que moi et il se peut qu’on l’ait déjà
devinée : Ayant résolu de prendre en mon emploi Picard et Breton, il me
faudrait, après mon entretien céans, les mener en ma seigneurie du Chêne
Rogneux, où je devrais, bien à rebrousse-cœur, affronter une présence que
j’avais pris grand soin de fuir depuis le décès de Larissa, laquelle fuite
m’était apparue alors non comme la meilleure, du moins comme la moins mauvaise
réponse que je pusse donner à mes doutes, à mes interrogations, à mes infinis
tourments quant à l’identité véritable de la morte.
La première de
ces craintes s’évanouit dès le lendemain, le roi, en très avisée manière, ayant
dépêché à la tombée du jour une chaire à porteurs pour me prendre au logis de
my Lady Markby et m’amener en certaine maison de la grand’rue de Saint-Denis
où, à ma très immense joie, je découvris, boitillant et le bras dextre en
écharpe, mais le teint fleuri et vermeil, M. de Rosny, lequel voulut bien me
bailler de son bras valide une forte brassée, ce qui me toucha d’autant qu’il
était, en bon huguenot, fort ménager de ses poutounes.
— Ha !
Monsieur de Rosny ! dis-je, envisageant avec
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