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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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étoffe,
poursuivit-il en mettant les deux mains aux hanches et en faisant pivoter son
torse élégant pour faire valoir sa taille de guêpe, le feu roi baillait cinq
mille écus, il faisait mille excuses de ce chétif présent, élevant par mille
suaves compliments la personne et les services dudit gentilhomme bien au-dessus
du bon dont il le gratifiait. Mais Navarre, lui, n’a nulle honte à présenter
cinquante écus à un gentilhomme de bonne maison tout en rabaissant ses services
et en l’invitant même à mieux faire son devoir d’ores en avant.
    — Le roi,
dit mon père non sans gravité, garde le peu de pécunes qu’il a pour nourrir ses
Suisses et ses armées. Et si Henri Troisième, au lieu de donner des centaines
de milliers d’écus à Joyeuse, à d’Épernon, et à tant d’autres de sa Cour, en
avait gardé pour lever des troupes, il eût pu tuer la Ligue dans l’œuf, et bien
des maux eussent été évités…
    — Pour
moi, mon frère, dis-je en jetant un bras par-dessus l’épaule de Quéribus, j’ai
aimé le feu roi au-dessus de tout, mais j’aime celui-là aussi. C’est un soldat,
et un soldat nous est bien nécessaire pour bien battre la Ligue.
    — Vous
aurez beau dire ! dit Quéribus en secouant les bouclettes de ses blonds
cheveux, lesquels grisaient quelque peu aux tempes, je ne serai jamais à lui que
du bout du cœur. Cependant, poursuivit-il, observant que mon père l’envisageait
d’un regard pénétrant, je lui demeurerai fidèle, l’honneur me commandant de
rester en son camp pour venger l’assassination du feu roi.
    — Voilà
qui est bien dit et bien pensé, mon gendre ! dit le baron de Mespech.
    Là-dessus
Quéribus prit congé de mon père et de moi, et voulut bien bailler à Fogacer un
mot aimable et un sourire, tout roturier qu’il fût, Fogacer ayant soigné et
curé sa Catherine d’une intempérie de la gorge.
    — Mi
fili, dit Fogacer dès que Quéribus fut hors, accompagné par mon père en ma
grand’salle, je suis dans la désolation d’abuser de ta longue hospitalité, mais
le haro n’ayant pas cessé contre moi en Paris – tant pour ma bougrerie que
parce que je suis réputé athéiste –, je n’ai de présent d’autre toit que
le tien.
    — Où tu
es, magister, le très bien venu, dis-je, jusqu’à la nuit des temps. Et d’autant
que j’ai ouï que tu dispensais tes bonnes curations à ma famille, à mon
domestique, à mes laboureurs. Le Chêne Rogneux ne peut faillir que d’être très
honoré de se trouver curé par le médecin du feu roi.
    — Lequel
médecin, dit Fogacer, avec un rire aigu, et en arquant son sourcil diabolique
sur son œil noisette, tue aussi bien qu’un autre…
    — Et,
dis-je après avoir souri un petit, étant impatient de mettre à profit l’absence
de mon père pour le sonder, qu’en est-il de mon Angelina, et du mieux que tu as
cru dans son comportement discerner ?
    — Indubitable.
Tant elle était exagitée, fébrile, irréfrénable, l’œil exorbité, les membres
frénétiques, le visage enflammé, tant elle est, de présent, quiète et sereine.
Tant elle était avec les hommes impudique, tant elle se montre avec eux de
présent réservée – hormis avec moi, qui suis homme si peu. Tant elle
battait ses chambrières, pieds et mains, les mordant et griffant, tant elle est
maintenant avec les pauvrettes douce et patiente redevenue.
    — Ha !
dis-je béant, voilà des nouvelles immensément confortantes ! Est-ce
Alazaïs qui a accompli ce miracle ?
    — Alazaïs,
dans les premiers temps de son advenue céans, a imposé des bornes au furieux
déportement d’Angelina. Elle ne l’a pas curée. La curation est venue de soi,
sans que se puissent savoir le pourquoi et le comment.
    — Du
moins en as-tu quelque idée ?
    — Mi
fili, hypotheses non fingo [26] ,
dit Fogacer, et en aucune province ni domaine du savoir. D’aucuns, pour
exemple, disent : Dieu a créé le monde. Moi je dis : Le
monde est. Et je n’en dis pas plus.
    J’eusse
répliqué à cette impiété, si mon père n’était rentré au même moment en la librairie.
Quoi voyant, Fogacer qui imaginait bien qu’il avait à m’entretenir en
particulier, quit congé et de lui, et de moi. Et mon père, sur son départir, me
trouvant rêveux et songeard, et en devinant la cause, me dit :
    — Monsieur
mon fils, n’êtes-vous pas un petit trop froidureux et rigoureux avec
Angelina ? Durant votre longue absence, elle n’a eu que

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