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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de ma demeure, afin que de n’être vu ni reconnu
des manants et habitants de Montfort en traversant le bourg.
     
     
    À ma très
grande liesse, je ne trouvais pas dans mes murs qu’Angelina et mon père, mais
autour d’une table bien éclairée de chandelles et fort bien garnie en flacons
et viandes succulentes, tout ce que j’avais de famille et d’amis chers (hors
mon frère aîné, lequel n’était, à dire tout le vrai, que peu nécessaire à mon
bonheur) : à savoir : mon joli frère Samson, sa Gertrude et Zara,
Quéribus et ma petite sœur Catherine, et, je le cite en dernier, combien qu’il
ne fût pas le moindre, Fogacer. Je crus alors périr étouffé sous les
embrassements et poutounes dont je fus de tous et de toutes parts joyeusement
accablé, et à la parfin m’y dérobant, courus me décrasser en ma chambre et me
mettre en vêture plus appropriée. Quoi fait, j’allais câlin-câliner mes enfants
que les chambrières avaient jà couchés. Et redescendant allègre, en la grande
salle, je fus derechef entouré, caressé, touché, palpé, toqué, poutouné et les
contre-poutounai tous à mon tour en une ivresse de mignonneries que je crus ne
devoir jamais cesser tant notre réciproque affection nous rendait
irrassasiables. Car le comble de la chose fut que, non content de m’embrasser,
hommes et femmes s’entrembrassèrent par la suite en se congratulant, étant si
félices de voir ma venue compléter et couronner leur réunion, et accompagnant
ces mignardies de cris, d’exclamations, de soupirs et même de larmes, que je
laisse au lecteur à imaginer.
    Quand enfin,
je m’assis, la joue humide de baisers, à la grande table, je redoublai leur
joie en leur annonçant, la nouvelle n’étant pas encore parvenue jusqu’à eux, la
prise par le roi des faubourgs de Paris, aucun des présents ne doutant alors
que la prise de la capitale ne fût proche, et que les cruelles et interminables
années de lutte fratricide ne dussent bientôt cesser. Cependant, sur ma
particulière mission, je restai bouche close et comme personne d’entre eux
n’ignorait mon rollet en Boulogne, en Sedan, le jour des barricades et entendait
bien, à m’avoir vu, à mon advenue, attifuré en marchand, que j’y avais de fort
bonnes raisons, nul ne présuma de m’interroger là-dessus, sauf à m’adresser
taquinades et gausseries sur le sujet de ma barbe. Mais pour moi, je n’avais
point à montrer tant de réserve et je ne fus pas chiche en interrogations
infinies touchant l’un, touchant l’autre, et mes enfants, et ma baronnie, et la
face des choses en Montfort, où je fus fort aise d’apprendre que depuis notre
victoire d’Ivry et l’encerclement de Paris, les politiques gagnaient
prou sur les ligueux.
    Angelina me
faisait face à table, et de tout ce temps, m’envisageait, coite et quiète, de
ses beaux yeux noirs, où, certes, j’eusse pu lire une violente amour, si
j’avais consenti à l’envisager plus longtemps que dans un battement de cil,
étant écartelé entre le refleurissement de mes sentiments et le renouveau de
mes doutes.
    Après la
repue, nous quîmes des dames notre congé, lequel elles nous baillèrent fort à
rebrousse-cœur et retirés en la librairie, nous entrâmes tous cinq,
j’entends : mon père, Quéribus, Samson, Fogacer et moi-même en une jaserie
à bâtons rompus sur l’un et l’autre, interrompus de prime par Gertrude qui,
flanquée de sa Zara, vint recommander à Samson de ne point trop s’attarder en
mâle compagnie pour ce qu’un de leurs enfants au logis était mal allant ;
et à sa suite, par Angelina qui me vint dire à l’oreille, et en rougissant
prou, qu’elle voulait m’entretenir en particulier avant que je ne m’allasse
coucher.
    Pour moi,
j’allais de l’un à l’autre, ne pouvant me lasser de les voir et de les ouïr, et
sentant bien que mon gentil Samson, après la recommandation de Gertrude,
n’allait pas tarder à nous quitter, je l’entrepris sur le chapitre de son
apothicairerie où, à mon grand étonnement, je ne le trouvais pas aussi loquace
qu’autrefois, non, à ce que je crois, qu’il fût moins raffolé de ses bocaux,
mais pour ce que, vivant entre deux femmes intarissables, il avait quasiment
perdu l’usage de la parole, mais non celle de l’obéissance, car à moins d’une
demi-heure de là, il nous laissa, me confortant à son départir par la promesse
de prendre avec nous le lendemain la repue de midi, ce que

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