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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’accompagnant dans
la grand’salle, je me fis, par sûreté, confirmer par sa Gertrude, laquelle je
submergeai de tant de compliments, que Zara s’en montra piquée, et qu’il me la
fallut oindre, elle aussi, de gracieusetés infinies, y allant selon mon us, à
la truelle, et non à la cuiller.
    — Mais,
mon Pierre, me dit mon père à l’oreille, quand je reparus à la librairie,
qu’avez-vous ? Vous avez l’air quelque peu chiffonné ?
    — C’est
que, Monsieur mon père, dis-je, sotto voce, je suis déçu de trouver en
Samson un mari si docile.
    — Bah !
dit le baron de Mespech, Samson n’a point connu sa mère, et Gertrude, qui du
reste est plus âgée que lui, lui en tient lieu, tout autant que d’épouse.
Cependant, la souveraineté qu’elle exerce sur lui, si elle est absolue, est
douce et bénéfique, car notre Samson est tant pétri de colombine innocence
qu’il serait, sans Gertrude, confronté à de continuels périls, et s’il est,
comme je crois, heureux en ses bocaux, et heureux en sa Gertrude, à la parfin,
peu nous devrait chaloir qu’il se montre un peu trop pliable à ses volontés.
    Là-dessus, mon
beau Quéribus, qui s’entretenait à l’autre bout de la librairie avec Fogacer,
nous vint avec lui rejoindre, et comme il me demandait des nouvelles de la
Cour – dont il s’était tenu éloigné depuis un mois, ne se jugeant pas
assez récompensé par Henri après ses exploits en la bataille d’Ivry – je
lui en dis ma râtelée, qu’il écouta d’un air assez mal’engroin. Quoi voyant, et
le voulant dérider, je lui contai l’histoire du roi et des deux nonnettes, qui
de Montmartre, qui de Longchamp, et le mot de Biron. Mais c’est à peine s’il
consentit à sourire, alors même que mon père et Fogacer s’esbouffaient.
    — Ha !
Monsieur mon frère ! dit-je à la parfin, si le vois-je, et vous ne le
pouvez nier : vous n’aimez guère le roi.
    — En
effet, dit mon beau Quéribus, lequel même en mon campagnard logis portait un
splendide pourpoint de satin bleu pâle garni de deux rangées de perles
véritables – attifure qui faisait honte à la vêture grise de mon père, et
à celle, noire et usée, de Fogacer. Non que je trouve, poursuivit-il, que
Navarre ne soit pas un bon roi, mais je n’ai qu’à jeter l’œil sur lui pour que
les larmes me jaillissent de l’œil à me ramentevoir mon pauvre bien-aimé
maître, lequel, comparé à celui-là, serait un Apollon comparé à Vulcain.
    — Vulcain
boitait, dit Fogacer.
    — Et
celui-là a les gambes courtes, dit Quéribus. Quand je le vois, je vois le roi,
mais non Sa Majesté. Il ressent beaucoup son soldat, étant fruste en son
langage et rustre en ses manières.
    — Rustre
de rus, ruris, dis-je en riant, pour lui rappeler comment, en 1572, il
m’avait provoqué en duel dans la cour du Louvre.
    — En
outre, poursuivit Quéribus, sans même daigner sourire, il n’a en son visage ni
dignité ni gravité, porte des chausses élimées, pourpoint usé aux coudes,
fraise froissée, sent l’ail et la sueur, mange debout comme un cheval, fait en
ses propos le fol et le bouffon, et recherche la compagnie du commun. À
Alençon, il a admis à sa table un artisan. Vous m’avez ouï : un
artisan ! Et à Mantes, il a joué à la paume avec des boulangers !
    — Louis XI
lui non plus ne déprisait point la roture, dit mon père, et il était fort sobre
en ses habits.
    — Mais
pour moi, cria Quéribus, j’aime qu’un roi soit roi, c’est-à-dire magnifique,
comme l’était mon pauvre bien-aimé maître, lequel était roi, roi, vous dis-je,
de la tête aux pieds, par sa vêture, par son abord, par ses pas et sa démarche,
par sa suave gravité, par son parler exquis, par la splendide Cour qu’il
maintenait, et par ses émerveillables libéralités. En ma conscience, rien ne
lui ressemble aussi peu que celui-là ! Nous avons échangé un maître tout
en or pour un maître tout en fer, lequel nous estime bien assez payés de nos
labeurs guerriers, en nous promettant… une bataille ! Vertudieu !
Cela est bon pour les huguenots qui, étant ennemis de l’aise et des plaisirs,
sont cousus dans leurs cuirasses comme des tortues !
    — La
grand merci pour les tortues, Monsieur mon gendre ! dit mon père en riant.
    — Point
d’offense, Monsieur, dit Quéribus en rougissant. Je respecte votre rude école,
mais je n’ai pas été élevé ainsi. Quand à un homme de bonne

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