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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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soupçon, dis-je lentement. Et pour dire le vrai, il m’échoit
de le nourrir encore.
    — Ha !
Monsieur ! dit-elle en m’envisageant d’un œil accusatoire, vous eussiez dû
pourtant vous aviser d’un moyen bien simple de vous prouver à vous-même le
contraire, et sur ce chef, de m’innocenter tout à plein !
    À quoi, sans
répliquer, je levai les sourcils, béant qu’elle eût su à ce point renverser les
rôles que j’eusse dû, à l’en croire, quasiment battre ma coulpe d’avoir
entretenu ces doutes à son sujet.
    — Eh
bien, dis-je d’un ton mal’engroin comme elle s’accoisait, ce moyen ? –
pensant qu’il ne pouvait être autre que de passer le doigt sur sa mouche pour
n’y point sentir de relief. Ce qui, comme bien le sait le lecteur, n’eût rien
prouvé, la verrue de Larissa ayant été éradiquée en mon absence par un
charlatan.
    Mais derechef,
la réponse d’Angelina me prit sans vert et me décontenança.
    — Monsieur
mon mari, dit-elle d’un air de grand embarras et en rougissant prou, j’ai
grand’honte et vergogne à vous oser dire ce qui suit, tant je crains que vous
n’estimiez que mon propos n’aille au-delà de ce qui est attendu de la pudeur
d’une femme.
    — Madame,
parlez ! dis-je, étonné de ce début qui trompait fort mon attente. Parlez
sans tant languir ! Parlez sans fard aucun ! Je ne faillirai de
présent ni à la patience ni à la bénignité que je vous ai toujours montrées.
    — Monsieur,
dit-elle avec un petit salut de la tête et son grand œil noir fiché dans le
mien, je vous rends mille grâces de vos bonnes dispositions. Voici donc ce
qu’il en est, puisque vous me commandez de parler sans détour. Il vous
ramentoit, se peut, que Larissa, maugré les désordres de sa conduite – et
ils furent nombreux – ne put, par bonheur, jamais concevoir, étant
atteinte d’une stérilité contre laquelle rien ne prévalut mie. Ce fut là, sa
vie durant, sa grande et essentielle différence avec moi, sa jumelle, qui non
seulement vous bailla six enfants, mais n’est pas si vieille qu’elle ne puisse
à nouveau porter un fruit de vous, si vous jugiez à propos d’éprouver derechef
sa fécondité.
    — Angelina,
dis-je, que ne m’avez-vous plus tôt lancé cette sorte de défi, j’entends, lors
de mon dernier séjour céans ? Vous m’auriez épargné d’innumérables
tourments !
    — Mais je
ne le pouvais alors, dit-elle en baissant la paupière. Larissa
m’habitait !
    — Ha !
dis-je d’un ton chagrin, nous en revenons toujours là !
    — Nous y
revenons toujours, parce que c’est vrai ! s’écria avec passion Angelina en
m’envisageant œil à œil. Ha ! Je vous en supplie, mon Pierre, n’en doutez
pas !
    Ce regard, ce
cri, cette véhémence ne furent pas sans effet sur moi et tout opposé que je
fusse en ma raison raisonnante à l’incrédible thèse qu’elle soutenait, je
connaissais trop Angelina pour douter plus avant de sa sincérité, et pour ne
pas penser que, si peu véritable qu’elle m’apparût, c’était là sa vérité –
ou dirais-je du moins, la vérité qu’elle avait façonnée après sa guérison, pour
répondre de son intempérie.
    — Madame,
dis-je, tout ceci est si neuf pour moi que j’y vais rêver un petit encore,
avant de vous dire ce que j’en pense et ce que j’aurai résolu. Soyez pourtant
assurée que je ne désire rien tant que renouer avec vous ce doux commerce et
cette fiance sans limites qui furent si longtemps les nôtres.
    Quoi voyant,
et la voyant fort frémissante de cet entretien, et les larmes au bord de l’œil,
je lui pris la main, la pressai tendrement contre les lèvres, et lui souhaitant
le bonsoir, la laissai à son repos ou, si j’en juge par ce qui fut la mienne –
à une nuit désommeillée.
    Le lendemain,
je voulus voir en privé Alazaïs pour me faire une religion sur l’évolution
d’Angelina, et dès la pique du jour, je la fis appeler en ma chambre par
Miroul, lequel voyant bien à mon œil que je la voulais seule entretenir,
s’ensauva.
    — Alazaïs,
dis-je, sachant que l’austère chambrière était femme de peu de mots, et qu’on
lui pouvait parler sans préambule, qu’en était-il du déportement d’Angelina
quand tu advins céans ?
    À quoi
Alazaïs, les mains derrière le dos et l’œil à terre, réfléchit un petit, ayant
l’air de ruminer ma question en ses vigoureuses mâchoires, et sous son front
têtu, forte huguenote

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