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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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celle-ci
pâtissant prou, du fait que la goutte lui gonflait et durcissait le pouce. À
vrai dire, cette circonstance seule n’eût pas suffi à me faire dresser
l’oreille. Mais quand j’eus revu Angelina et observé un déportement si
semblable à celui de Larissa, le soupçon que celle-ci s’était substituée à mon
épouse se trouva fortifié par cette prétendue goutte, fort improbable, au
demeurant, chez une femme encore jeune, qui mangeait peu et buvait moins
encore. Or, s’il est une chose où Larissa n’eût jamais pu imiter Angelina, et
se faire passer pour elle, c’était bien son écriture, car son éducation avait
été fort négligée dans les couvents où ses folies l’avaient tenue serrée. Tant
est qu’elle pouvait à peine griffonner deux mots, et ceux-là illisibles, alors
que sa sœur était maîtresse d’une écriture élégante et ferme, et d’un style
excellent. Adonc la promesse que je venais d’ouïr des lèvres d’Angelina de
m’écrire – ce qu’elle n’avait jamais fait tous ces mois écoulés – me
parut aller de pair avec le défi que l’on sait d’éprouver sa fécondité.
    Ces pensées
que je viens de dire me traversant l’esprit dès qu’elle eut parlé et crépitant
de plus de joies possibles qu’un orage d’éclairs, j’eusse pu, à ce moment même,
quérir d’elle, par quel incrédible mystère Larissa, morte, avait pu la
contraindre à mentir au sujet de son pouce. Mais mon père attendait, l’heure
était tardive, la haquenée d’Angelina tirait fort sur sa bride, et surtout, je
fus emporté par ma fiance nouvelle, et par l’anticipation brûlante que je sentais
en moi et si proche, et à ma portée, de recevoir une lettre qui me donnerait
tout ensemble l’inouï bonheur d’être de la main d’Angelina et de m’annoncer sa
grossesse, double et décisive preuve qui soulageait infiniment mon cœur du
poids écrasant de mes suspicions. Tant est que sans dire mot ni miette, mais
versant des larmes, aux siennes sur nos joues mêlées, je couvris son cher, son
beau visage, d’un million de baisers, avant de lui dire, d’une voix
entrecoupée, qu’il était temps enfin, qu’elle me devait quitter et se remettre
en selle.
     
     
    En
Saint-Denis, j’allai droit au logis de M. de Rosny qui par bonheur se trouvait
là, immobilisé par sa gambe doulante, et à qui je demandai de nous bien vouloir
héberger, ma coche, mon Miroul et moi, sous couleur d’échapper à l’hospitalité
inquisitive de my Lady Markby, en réalité parce que j’avais quelque scrupule à
boire derechef les philtres de ma Circé anglaise, maintenant que j’avais renoué
mes liens avec Angelina.
    — La Dieu
merci, dit-il, Siorac, vous tombez du ciel ! Ma gambe ce matin tant me
tabuste que je ne peux ni marcher ni monter à cheval. Et sans votre coche, mon
cher Siorac, je n’eusse jamais pu me rendre sur le coup de midi au cloître de
Saint-Antoine-des-Champs.
    — Ventre
Saint-Gris ! dis-je en souriant, allez-vous y faire vos dévotions ?
    — Quoi ?
dit-il, ne savez-vous pas ? Paris nous envoie, pour traiter avec nous, son
évêque, le cardinal de Gondi, et Pierre d’Épinac, l’archevêque de Lyon.
    — Babillebahou ! comme dit M me de Nemours. Deux prélats ! Ne risquent-ils pas
d’être excommuniés à s’entretenir avec un excommunié, lequel, au surplus, est
relaps ?
    — Ils ont
obtenu du légat Cajetan dispense pour lui parler.
    — Une
dispense ! dis-je, c’est merveille ! Qui fait la loi la défait
aussi ! Et le cloître ? repris-je, étant mis en joie par cette
palinodie. Qui a choisi le cloître de Saint-Antoine ?
    — Mais le
roi, dit Rosny avec un sourire entendu.
    — J’imagine
pour sanctifier l’entrevue.
    — Se
peut, mais se peut aussi pour convoquer la noblesse, voulant montrer aux
prélats combien nombreux sont les gentilshommes catholiques qui combattent avec
lui.
    — Baron,
dis-je, irez-vous seul avec ma coche, ou tout roturier que je sois, oserais-je
vous accompagner ?
    — Oserai-je,
Siorac, vous priver de cet immense plaisir de voir nos deux chats-fourrés aux
prises avec le subtil Béarnais ? Vous serez mon secrétaire !
Cependant, bouchez-vous bas le front de votre grand chapeau : vous avez
des yeux si parlants.
    Nous fûmes les
premiers du parti du roi à atteindre le cloître de Saint-Antoine-des-Champs où
nous vîmes de loin nos deux grippe-minauds, magnifiquement vêtus qui de sa robe
pourpre, qui de sa

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