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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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trémulant,
asseyez-vous, de grâce, là, sur cette escabelle, à mes pieds. Avez-vous encouru
un personnel péril ?
    Je lui en fis
le conte qu’elle écouta avec de grands yeux, tant étonnée de l’adoration
qu’elle lisait dans les miens qu’émue des dangers que j’avais traversés. Et
quand j’en eus fini le récit, elle me dit d’un ton songeard :
    — Il faut
bien avouer que vous êtes une bien étrange sorte de drapier. Vous sortez des
murs, vous y rentrez, sans craindre les arquebusades. À bien vous observer, la
pécune n’est pas votre grande affaire. Vous portez dans le dos des dagues à
l’italienne comme un spadaccino, et vous paraissez avoir, pour en user,
le nerf et le muscle qu’il faut. Et quand, la minute écoulée, vous avez eu le
front de me baiser les mains – belle impudence, maître drapier, que
cependant je vous pardonne –, vous y avez mis une grâce et une audace que
je n’ai jamais vues chez vos pareils. Il faut donc que vous vous soyez frotté
fort au beau monde pour en singer si bien les manières.
    — Ha !
Madame la Duchesse ! dis-je, « singer » n’est pas aimable. Ne
peux-je, sous l’effet d’un sentiment sincère, retrouver, sous la croûte d’une
éducation négligée, une grâce qui, après tout, est naturelle à l’homme ?
    — Un
sentiment sincère ! s’écria M me de Nemours en riant comme une
nonnette, en ma conscience, vous mignardez ! Maître drapier, vous
mignardez comme un muguet de Cour !
    Et moi, non
point dépit de sa petite gausserie, car elle n’y avait pas mis malice, ni
méchantise, son œil demeurant bénin, mais confus d’avoir à ce point dépassé mon
rollet et de mettre en péril ma déguisure même, je m’accoisai et dis, l’œil
baissé :
    — Madame
la Duchesse, permettez-moi de quérir de vous mon congé. Je n’ai que trop abusé
de votre émerveillable patience.
    — Cependant ?
dit-elle, me voyant hésiter, et m’envisageant d’une mine qui me parut tout
ensemble amusée et émue.
    — Cependant,
Madame la Duchesse, si je peux vous être de quelque utilité privée, en quelque
degré ou guise que ce soit, je voudrais que vous sachiez que si vous me voulez
en rescous, je vous servirai du bon du cœur.
    — Cela,
dit-elle avec un sourire, vous est-il commandé par le roi de Navarre ?
    — Nenni,
Madame.
    — Cela
vaut-il aussi pour ma fille Montpensier ?
    — Nenni,
Madame.
    — Voilà
un bon « nenni » ! dit-elle en riant. Roide et franc !
Comme vos yeux, Monsieur ! reprit-elle en me donnant du Monsieur pour la
première fois, vous me plaisez assez, étant homme de si bon métal. Qui que vous
serviez, reprit-elle avec un petit éclair de son œil bleu qui me donna fort à
penser, il ne peut qu’il ne soit par vous très fidèlement servi. Et je ne dis
point que s’agissant d’affaires qui ne touchent pas à l’État, car celles-là je
les laisse à mon fils Nemours (quoi disant, elle oublia tout à plein son autre
fils Mayenne, lequel était pourtant l’aîné), je ne dis pas que je n’aurai pas
quelque occasion de vous appeler en rescous. En attendant, ne laissez pas de me
visiter une fois la semaine, et davantage, si vous avez affaire à moi. Mon huis
ne vous sera jamais clos.
    Quand au soir
de ce jour tracasseux où je faillis, tout noble que je fusse, être pendu tout
botté par le dernier des gueux, je contai toute l’affaire à Miroul, il devint
de prime comme enragé.
    — Ha !
Moussu ! dit-il, jamais plus ! Jamais plus je ne vous laisserai hors
mes yeux ! Vous prendrez Pissebœuf pour cocher. Et quant à moi, Ventre
Saint-Antoine ! je ne vous quitterai pas d’une semelle, où que vous
alliez ! Fût-ce dans le lit d’une ribaude !
    Et moi le
voyant pâle et quasi désespéré de ce que j’eusse pu sans lui affronter la plus
ignominieuse des morts, je voulus lui faire, pour le divertir, le récit de mon
entretien avec M me de Nemours.
    — En
voilà-t-il pas d’une autre ! s’écria-t-il en levant les bras au ciel. Vous
voilà dans les rets et filets d’une duchesse et d’une duchesse du clan
lorrain ! poursuivit-il, et qui a vingt ans de plus que vous !
Ha ! Moussu ! C’est folie ! En quel cotillon vous allez-vous
derechef fourrer ! Et si imprudemment que la dame soupçonne jà votre
déguisure ! Et que vous servez Navarre ! Elle vous l’a quasiment fait
entendre !
    — Babillebahou ! dis-je, Miroul, que dis-tu ? Jamais femme en ma vie ne m’a

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