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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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que je ne le
déteste point tant qu’Henri Troisième, assassin de mes frères. (À cette
remembrance que la Boiteuse eût bien pu omettre en sa présence, M me de Nemours cilla et les larmes lui vinrent aux yeux.) Mais, poursuivit-elle, je
n’aurais garde d’oublier, même s’il me nourrit, qu’il est hérétique, relaps,
ennemi renardier et souterrain de notre Sainte Mère l’Église.
    — À
laquelle toutefois, dit M me de Nemours d’une voix douce et en me
jetant un regard quasi connivent, il est fort poussé de se convertir par M. d’O
et toute sa noblesse catholique.
    — Même
alors, dit la Boiteuse, le parpal houleux, l’œil jetant tout soudain des
éclairs, nous n’en voudrons pas ! Sa conversion ne sera que ruse,
déguisure, palinodie !
    — Aimeriez-vous
mieux un roi espagnol ? dit M me de Nemours, en haussant le
sourcil.
    — Madame
ma mère, dit la Boiteuse en s’inclinant, mais avec un clin d’œil point trop
amène, nous savons fort bien, l’une et l’autre, qui nous aimerions voir sur le
trône…
    Sur cette
flèche et lui ayant baisé la main, la Montpensier prit son congé de sa mère et
me pria, ou plutôt me commanda, de la ramener en son hôtel en ma coche, ordre
auquel je ne pus que je n’obtempérasse, assis à côté de mon Miroul sur le siège
du cocher, aussi gracieux au-dehors que mal’engroin au-dedans, mais allant
jusqu’à ouvrir la portière à la dame, quand nous fûmes advenus à l’huis de son
logis, et de ma main dépliant le marchepied : soins de laquais, que
j’eusse pu laisser à Miroul mais auxquels, tout grand marchand que je fusse, je
condescendis, et qui me valurent, à ma grande surprise, un merci et un souris,
tant est grand l’empire des petites attentions sur les femmes, si hautes
qu’elles soient, ou se veulent être. Que si on me demande pourquoi j’ai agi
alors si courtoisement envers cette peu courtoise dame, je pense que je ne peux
répondre qu’en disant que ce fut en raison d’une invétérée habitude de
politesse et de tendresse envers les personnes du sexe, qui me fait leur
vouloir toujours du bien, même quand elles m’en font peu. Toutefois, de cette
gentillesse que je viens de dire, et que la Boiteuse reconnut d’un souris et
d’un merci, la fortune voulut que je fusse en moins d’une demi-heure fort
merveilleusement récompensé.
    Comme ma coche
approchait du palais (le chemin le plus court pour regagner mon logis passant
par la cité) j’ouïs une grande noise et vacarme, et commandant à Miroul de
brider les chevaux assez loin de là, je descendis seul pour reconnaître la
raison de ce tohu-vabohu, et gagnant à pied jusqu’aux grilles, j’aperçus un
grand nombre de bourgeois – je dis bien, des bourgeois et des premiers de
la ville, et des plus apparents – qui, en brandissant pique ou épée,
huchaient à tue-tête et à oreilles étourdies :
    — La paix
ou du pain ! La paix ou du pain !
    Je n’en revins
pas de l’audace de ces bonnes gens et les envisageant plus curieusement que je
n’avais fait en mon approche, je reconnus là la meilleure partie de la cour du
Parlement, et en outre, bon nombre de grands marchands qui m’étaient connus au
moins de visage, tous réputés politiques, y compris Maître Jean Prévôt,
curé de Saint-Séverin, un des rares prêtres de la capitale qui ne prêchât pas
l’Évangile selon la Boiteuse.
    À vrai dire,
ces bonnes gens ne faisaient rien d’autre que crier : « La paix ou du
pain ! » en brandissant leurs armes, sans apparence qu’ils eussent
envie de s’en servir, n’étant ni ordonnés ni commandés, à ce que je vis. Je ne
les trouvai pas non plus d’une corpulence et charnure à être eux-mêmes fort
affamés, étant clair que des deux peuples qui en ce temps-là se partageaient
Paris – le peuple des gras et le peuple des maigres –, il y avait
bonne évidence qu’ils appartinssent au premier. Et j’augure que si on les avait
laissés crier tout leur saoul, comme ce tumulte ne visait à rien d’autre qu’à
vociférer sans ordre, ni plan, ni commandement, ils se fussent, leur gorge
lasse, retirés de soi, chacun en sa chacunière, contents d’eux-mêmes et
rengainant.
    Mais, c’eût
été compter sans les Seize, ce seul mot de paix étant pour eux
hérétique, et permis aux seuls Gondi et d’Épinac, afin de piper et d’endormir
Navarre. Tant est que dès l’instant où cette puante paix fut venue offenser les
narines de nos

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