La Violente Amour
je prononce moi-même, plus sûrement, après coup…
— Quoi ?
Une prédiction ? Après l’événement ?
— Moussu,
oyez plutôt :
Victoire de
Vic vicinalement Paris
Victimera
nuitamment la Ligue abominable.
Fausse face
drapière de baron véritable
Détruira
eau male en rêverie.
— Ha !
Miroul ! m’écriai-je, pour le coup, excellentissime !
Sur quoi, je
ris plus fort et plus longuement que la faiblesse de ma tête ne m’y inclinait,
mon rire étant le meilleur merci que je pusse adresser à son émerveillable
dévouement. Mieux : je lui fis répéter son pseudo-quatrain de Nostradamus
aussi souvent que ce fut nécessaire pour que je pusse le retenir en ma mémoire
revenue. Ce qui le jeta dans le ravissement. Je le dis sans lui jeter la
pierre : nous avons tous nos petites vanités d’auteur. Et moi-même, qui
écris ces Mémoires sans art, ni méthode, mais comme la remembrance m’en vient,
et « en tirant tout dret de l’épaule », comme dirait M. de Vic, il
m’arrive de ronronner passablement fort pour le seul fait qu’une phrase que
j’avais lancée un peu haut est bien retombée sur ses pieds.
— En
bref, repris-je, mon Miroul, et pour parler plus clair, que pasó en
Saint-Denis ?
— Les
ligueux en l’absence de chevalier se mirent, comme nous l’avions apensé, à la
picorée, et Vic avec cinquante cavaliers à peine leur tomba sus avec une telle
intrépidité qu’ils se mirent à la fuite par la porte de Paris, faisant refluer,
dans le plus irrémédiable désordre, les troupes qui n’étaient pas encore
entrées. Sur quoi la charge du trompetteur, répétée, leur faisant accroire que
toute la garnison allait leur faire le poil, changea le désordre en panique, et
d’après ce que j’ai ouï dire, l’apparition du cheval noir sanglant et ses
étriers vides changea la panique en déroute…
— C’est
fort galamment dit.
— Quant à
d’Aumale, je pris le temps de saisir sa bourse, laquelle j’ai brûlée hier, mais
non point les sept cent cinquante écus qu’elle contenait.
— Ils
sont à toi !
— Nenni !
Ils sont à vous ! Pour en revenir au chevalier, nos pistoletades lui ayant
emporté la face, seules les initiales A et R entrelacées sur son épaule
permirent à La Raverie de l’identifier. Toutefois, touchant son décès, j’appète
à ajouter ceci…
Là-dessus, mon
gentil Miroul sourit avec malice et laissa en suspens une de ces jolies phrases
dont il m’avait jusque-là nourri, les ayant, je gage, mignardement léchées,
pendant tout le temps qu’il avait veillé sur mon sommeil.
— Toutefois ?
répétai-je docilement, lui ayant trop de gratitude pour ne point jouer mon
rollet dans cette comédie.
— J’ai
partout ouï dire en Paris que M. de Vic avait tué de sa main le chevalier
d’Aumale…
— Tiens
donc ! dis-je, faisant bonne figure, mais la crête, cependant, fort
rabattue sur l’œil.
— Moussu,
reprit Miroul avec une gaîté contenue, eussiez-vous préféré qu’on crût que ce
fût vous ?
— Que
nenni ! dis-je, assez mal’engroin, et tu sais bien pourquoi.
— Vox
populi, vox dei [36] Le peuple a parlé, Moussu. C’est M. de Vic qui a occis de sa main le « dix-septième ».
— Amen.
— Moussu ?
— Quoi
encore ?
— Gageons !
— Gageons
quoi ?
— Que Vic
lui-même finira par l’accroire.
CHAPITRE XI
Or, lecteur,
si j’avais eu le cœur à gager, Miroul eût gagné sa gageure. Je l’appris vingt-huit
mois plus tard, le 27 avril 1593, ayant sailli hors Paris à la faveur de
la trêve qui avait été conclue entre les deux partis, pour permettre à d’aucuns
des délégués des États Généraux de se rendre à Suresnes, afin de converser avec
les catholiques royaux touchant une bonne et générale pacification.
À vrai dire,
il n’y avait là des deux parts que chattemitesse ruse, les ligueux se proposant
de détacher les catholiques royaux de Navarre pour les mettre au service du roi
que les États Généraux devaient élire afin que de faire pièce au nôtre –
et d’un autre côtel, Navarre n’ayant accepté la conférence que parce que la
trêve allait détendre les ressorts de la Ligue et donner au peuple une telle
friandise de la paix qu’il serait bien difficile, ensuite, de le remettre au
noir brouet de la famine et de la guerre. Et qu’alors il y eut aussi en
l’esprit de Navarre l’idée de profiter de la conférence de Suresnes
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