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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pour
avancer d’un grand coup de dés sa diplomatie, c’est ce que je n’allais point
tarder à apercevoir dès le premier entretien que j’eus avec lui.
    J’accompagnai
Rosny (confondu avec ses secrétaires) au lever du roi, alors qu’il avait cent
importuns sur les épaules (qu’il appelait en son privé des « Dieu-gardes  »,
pour ce que ces fâcheux commençaient, ou concluaient, invariablement leurs
discours par « Dieu garde Votre Majesté ») et encore que ces beaux
courtisans ne fussent que soie, brocart, perles et parfums, et qu’en mon humble
vêture de marchand drapier je me confondisse presque avec la tapisserie, je n’échappai
pas à l’œil vif et perçant que le roi dardait de tous les côtés : regard
non moins aigu que sa merveilleuse oreille qui lui permettait d’ouïr ce qui se
disait à voix basse à l’autre bout de la chambre, alors même qu’il écoutait ou
contrefeignait d’écouter un « Dieu-garde » lui présenter requête,
lequel « Dieu-garde » – un grand sottard fort chamarré et
paonnant – quérait de Sa Majesté de lui bailler pour prix de ses services
(que sans doute il exagérait) l’abbaye du Bec, en Normandie, dont le défunt
titulaire était le chevalier d’Aumale. Hé oui, belle lectrice ! Vos beaux
yeux ont bien lu ce que je viens d’écrire : le chevalier d’Aumale, ce
pilleur de ciboires et ce forceur de filles était abbé du Bec ! Et étant
vif, j’imagine, apportait moins de prières en son abbaye qu’il n’en tirait
pécunes.
    — Ventre
Saint-Gris, mon ami ! dit le roi au « Dieu-garde » à sa manière
goguelue et gaussante, ne savez-vous pas que M. de Vic n’a tué M. d’Aumale que
pour avoir l’abbaye du Bec ?
    M. de Vic tuer
M. d’Aumale ! J’en fus béant ! Mais n’en pipai mot à Rosny, lequel,
au sortir de ce temple – où les courtisans, comme dans tous les temples,
ne priaient leur Dieu que pour qu’il leur donnât quelque rayon de son
soleil – me dit à l’oreille que le roi nous enverrait quérir vers le soir,
pour ce qu’il nous voulait ouïr sans qu’aucune oreille traînât dans les
alentours. Tant est que je ne quittai Rosny de tout le jour, le trouvant fort
rêveux et songeard, ses yeux clairs perdus dans le vide, beaucoup de pensements
divers, en mon opinion, s’agitant sous son vaste front, et ses belles
lèvres – lesquelles trahissaient à l’accoutumée tant d’appétit à
vivre – fort closes sur de rongeants soucis. Si bien que me doutant bien
que ces soucis n’étaient pas les siens – car il me parut de sa personne
sain et gaillard, tout à plein rebiscoulé de ses navrures d’Ivry et à ce que
j’ouïs, caressant même le dessein de se remarier – j’osai à la parfin lui
demander ce qui le travaillait au point de le rendre si triste et si marmiteux.
    — Mes craintes,
Siorac ! dit-il. Mes craintes ! Car Philippe II presse les États
Généraux d’élire un roi, et d’aucuns catholiques royaux inclinent à former un
tiers-parti qui appuierait tel ou tel des candidats au trône : qui le
jeune cardinal de Bourbon, qui Nemours, qui le petit Guise, qui le fils de
Mayenne, lequel – quel qu’il soit – épouserait l’infante
Claire-Isabelle-Eugénie, ce qui réconcilierait tout le monde – y compris
l’Espagne – sur le dos de Navarre et de ses huguenots.
    — Mon
cher Rosny, dis-je en souriant, j’oserais dire en médecin que de même que le
pléthore du sang en le cerveau cause l’apoplexie et, concentré dedans la
poitrine, amène la congestion du poumon, la surabondance des candidats au
sceptre suscite tant de prétentions qu’elles ne peuvent que s’entrechoquer, le
roi ne pouvant qu’il n’en profite. En outre, qu’est-ce qu’un roi élu ? La
France n’est point la Pologne ! Qui en France a jamais ouï que les États
Généraux de France aient la capacité et suffisance de façonner un roi ? En
France, un roi n’est pas fait. Il est ! Il est par droit de primogéniture
à la minute même où meurt son prédécesseur. Le mort saisit le vif, comme dit si
bien l’adage.
    — Cela
est bel et bon, dit Rosny, mais si les États Généraux nous fabriquent un roi,
fût-ce au rebours et au mépris des lois fondamentales du royaume, ce roi aura
derrière lui la puissance et l’or de Philippe II.
    — Et
contre lui tous ceux des Français naturels, dis-je, qui n’ont pas la tripe
espagnole, et ils sont prou, si j’en crois le mal’engroin

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