La Violente Amour
de cinq conversions) à en changer derechef, les circonstances lui en
faisant un devoir. Au lieu qu’un homme comme Rosny qui, de ses vertes années
jusqu’à l’âge d’homme, n’a professé qu’une seule et même Église, éprouve
d’ordinaire une grande répugnance à l’abandonner. Cela tient à ce que primo :
la fidélité à une foi se fortifie par la rigueur, l’étroitesse et la durée de
son propre exercice ; secundo : que n’ayant pas professé
successivement deux credos, et n’ayant pas été dans l’obligation de décroire ce
qu’il avait cru, ni de croire ce qu’il avait décru, cet homme-là n’aura pas pu
puiser dans ces variations le sentiment de leur relativité. J’en veux pour
exemple qu’ayant appris de ma mère catholique qu’il fallait adorer Marie, mère
de Dieu, puis de mon père huguenot, qu’il ne fallait pas l’adorer, puis
derechef de mon confesseur papiste qu’il fallait lui rendre un culte, mon
sentiment intime n’a pu subir ces fluctuations sans que se dégradât
l’importance que j’avais attachée à leur objet.
Retourné en le
logis de my Lady Markby, retiré en ma chambre et sur ma coite me jetant, Miroul
reposant jà dans un petit cabinet qui jouxtait la pièce, je n’eus pas le loisir
de m’ensommeiller, pour ce qu’on toqua à l’huis, et Miroul qui, comme les
chats, ne dort jamais que d’un œil, bondissant alors comme esteuf en la paume,
courut déclore, non sans dissimuler un pistolet derrière son dos. Apparut alors
my Lady Markby en ses robes de nuit, un bougeoir à la main, son long cheveu noir
dénoué, laquelle quit de Miroul si je m’encontrais dans les bras de Morphée.
— My
Lady, dis-je promptement, soyez bien assurée que, faite comme je vous vois, le
chef entouré de l’auréole de vos cheveux, et votre œil noir luisant à la
chandelle, je les quitterais volontiers pour les vôtres.
— Voilà
bien, dit my Lady, les Français ! on les désommeille et au lieu de
groigner comme nos bons Anglais, ils cajolent !
Sur quoi,
posant son bougeoir à mon chevet, elle me prit incontinent au mot, laissa choir
ses robes à ses pieds, et dans ma coite me vint rejoindre, Miroul ne perdant
pas une œillée de ce spectacle.
— Moussu,
dit-il en oc, je me retire. D’ores en avant, vous aurez davantage l’usance de
votre pistolet que du mien.
— Mon
Pierre, que veut dire ce jargon ?
— Que
Miroul, my Lady, vous présente ses respects et vous souhaite une bonne nuit.
— Traître,
je n’en crois pas un traître mot ! Il gaussait !
— C’est
que la langue d’oc est, à l’ouïe, gaillarde. Même le bonsoir s’y dit d’un ton
goguelu.
— Il vous
plaît à dire.
— Comme
il me plaît à faire.
— Monsieur,
de grâce, retenez votre main. Suis-je ribaude ès étuves ou Lady Markby,
comtesse de Markby ?
Mais encore
qu’elle me rebuffât, la chandelle mettait telle lueur au coin de son œil, et
telle étincelle sur ses dents blanches et carnassières, que l’une et l’autre
apportaient un démenti à ces paroles.
— My
Lady, dis-je, il n’y aurait pire disconvenance que de demeurer souche devant
tant de beautés.
— Paix-là,
Monsieur ! dit-elle, mon humeur n’est point à folâtrer !
— Vramy !
— Mais
aux questions sérieuses.
— Tiens
donc ! Des questions sérieuses ! En ma coite ! Nue dans votre
natureté !
— Peu
importe, dit-elle d’un ton superbe, l’appareil où je m’encontre ! Mon
Pierre, oubliez-vous que vous êtes « la petite, française et particulière
alouette d ’Elizabetha Regina » ? Et que la plus grande reine
de la chrétienté vous donna sa main à baiser ?
— Je me
ramentois son infinie gracieuseté, dis-je, l’oreille tout soudain dressée et la
moustache épiante.
— Et les
prodigieux secours qu’elle n’a cessé d’apporter à votre maître en hommes et en
pécunes.
— Oui-da !
dis-je. Dans leur commune lutte contre Philippe II. My Lady, n’avez-vous
point dit vous-même que le sort de l’Angleterre se jouait à Paris ?
— Donc,
point de gratitude ?
— My
Lady, tout le rebours ! Elizabeth, touchant mon roi, agit en sœur.
— Si
Henri Quatrième change de père, Elizabeth ne sera plus que sa sœur bâtarde et
en concevra un fort grand et sourcilleux dépit.
— Henri
changer de père ? My Lady, comment l’entendez-vous ?
— D’aucuns
pensent qu’abandonnant son père de Genève, votre roi ira adopter un père
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