La Violente Amour
à
Rome…
— My
Lady, est-ce bien l’heure, le lieu et l’occasion de débattre de la conversion
du roi ?
— Nulle
occasion meilleure. Nous parlons entre quatre yeux.
— Et même
entre huit membres.
— Ne vous
flattez pas d’être si proche. Vous ne le serez jamais plus, si ma reine devient
la sœur bâtarde de votre roi.
— Je ne
sais si mon roi ira à Rome s’inventer un père. S’il le fait, ce sera très à
contrecœur et seulement pour apporter la paix à son peuple, pour lequel, comme
vous savez, il nourrit une violente amour.
— Il est
dangereux de mal faire pour faire du bien.
— Cette
phrase est-elle de vous ?
— De ma
reine. Elle dit encore que mieux vaut être Jacob qu’Ésaü.
— Qu’est-ce
à dire ?
— Pierre !
Huguenot renégat ! As-tu oublié ta Bible ! Ésaü vendit à Jacob son
droit d’aînesse contre un plat de lentilles, et Jacob, quoique cadet,
s’arrangea pour avoir la bénédiction de son père mourant.
— Cependant,
my Lady, cette bénédiction, il l’eut par piperie. Et mon roi, lui, ne trompera
pas sa bien-aimée sœur. Soyez bien assurée que même s’il change de père, et
achète trop chèrement son plat de lentilles, deux choses ne changeront jamais
en son âme : l’alliance avec Elizabeth, la lutte contre Philippe II.
Je prononçai
ces paroles avec tant de chaleur et de véhémence que my Lady Markby parut en
recevoir, à ce qu’il me sembla, une confortante impression.
— Cependant,
dit-elle au bout d’un moment, pour s’assurer de la bonne foi d’Henri, il faudra
un gage à Élisabeth, si toutefois il désire qu’elle lui continue ses secours.
— Tiens
donc ! Un bargouin ! Qui dit anglais, dit marchand.
— Qui dit
français dit serpent.
— Comment
cela ?
— Vous
changez de religion comme un serpent de peau.
— Touché !
dis-je en riant. Voyons le gage !
Calais !
— Quoi !
Calais ! Calais derechef ès mains anglaises ! Ha !
my Lady, never ! Never ! Never !
— Par
bonne heure, ce n’est pas vous, Monsieur, qui en déciderez.
— J’entends
bien que je serai en cette affaire votre truchement. Mais pourquoi un
truchement ? Je vous ai connue plus fendue de gueule et parlant à mon roi
bec à bec, et fort effrontément.
— Je ne
peux lui parler de gage, sa décision de changer de père n’étant pas prise.
— C’est
bien avisé, et j’aviserai moi-même si je dois ou non l’en informer.
— Non,
Monsieur, je vous quiers et requiers de lui en toucher mot sans retard, comme
c’est, de reste, votre devoir.
— Eh bien
donc ! Dès demain !
— Tiendrez-vous
cette promesse ?
— Tant
promis tant tenu. Le roi saura demain cet entretien, et de ma bouche, et verbatim [38] . Mais
my Lady, que faites-vous ? Vous m’enlacez ? Me flatterais-je d’être
de vous si proche ? Quoi ! Un huguenot renégat ! Et sans
gage ?
— Monsieur,
dit-elle. J’ai assez pensé à ma reine. Il est temps que je pense à moi.
— Pensez
à moi aussi, de grâce.
— J’y
tâcherai, dit-elle, montrant, dans son rire, ses fortes dents et sa mâchoire
carrée. Toute la question, Monsieur, sera de décider si le cheval va manger
l’avoine, ou l’avoine le cheval…
C’était là une
petite gausserie à la mode anglaise, laquelle veut que ce peuple, si
raisonnable dans la défense de ses intérêts, débite, quand il a la tripe
folâtre, des absurdités incrédibles.
Grâce à Rosny,
je pus voir le roi le lendemain soir après son coucher, et lui contai par le
menu cet entretien.
— Ventre
Saint-Gris, Barbu ! dit-il avec un soupir, de toutes les épines qui me
piquent serré, Elizabeth est de beaucoup la pire ! Quel siège elle me
fait ! Quel torrent de reproches ! Que d’admonestations ! Elle
m’a écrit ! Elle m’a dépêché un prêcheur ! Elle me fait tâter par la
Markby ! Ha ! fils ! Mieux vaut être mordu par un lion que par
une lionne ! Il y a moins de venin ! Mon « Père » de
Rome ! Ma sœur « bâtarde » ! Observe, je te prie, comme la maligne
tire incontinent avantage de cette bâtardise supposée, primo en me
menaçant de couper court à ses secours et subsides. Secundo, en
m’enjoignant de lui donner Calais, si je désire qu’elle me les continue.
Calais ! Elle prend prétexte de ma conversion pour réclamer Calais !
Je n’en crois pas mes oreilles ! Barbu, reprit-il en souriant soudain, il
serait temps, en effet, que j’apprenne à
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