La Violente Amour
réjouis du bon du cœur de vous voir si bien intentionné
envers vos huguenots, mon appréhension ayant toujours été que si vous veniez à
changer de religion, comme c’est chose que je vois bien qu’il vous faudra
faire, l’on vous persuadât à haïr et maltraiter vos vieux compagnons. Or, ceux
de nous autres, Sire, qui, vous ayant aimé protestant, vous aimeront
catholique, seront infiniment plus nombreux que les quelques factieux et
ambitieux qui voudront vous faire alors des brouilleries, et ceux-là seront
vite ramenés par nous dans le devoir, soyez-en assuré !
Je vis bien
que cette déclaration de loyalisme sans restriction ni condition aucune, que Sa
Majesté avait si adroitement suscitée, la satisfît grandement, et d’autant que
Rosny n’était pas un petit sire à la Cour, étant fort respecté et écouté par
l’entourage protestant du roi.
— Cependant,
mon ami, dit Henri avec un semi-sourire sur ses lèvres friandes, mais son œil
aigu fiché dans l’œil de Rosny, vous ne me répondez pas de mon salut, si je me
fais catholique…
— Ha !
Sire ! dit Rosny, j’ai dit cela en gaussant ! Car bien le rebours, je
considère comme tout à plein aberrante cette croyance des zélés des deux bords
qui veut que tout homme qui prie dans une autre Église que la leur soit damné…
Pour moi, quelle que soit la religion dont un quidam fait profession
extérieure, s’il avoue le Christ et observe le décalogue, adore Dieu de tout
son cœur, aime et sert son prochain, je tiens qu’il ne peut faillir d’être
sauvé.
— Ha !
Rosny ! dit le roi, j’opine de même depuis longtemps en mon for et je suis
fort aise que votre excellent sens conforte mon opinion. Hé bien, Barbu !
reprit-il, en se tournant abruptement vers moi qui avais suivi, sans oser
battre un cil, ni gloutir ma salive, ce débat de si grande conséquence pour
l’avenir du royaume. Hé bien, qu’es-tu apensé de tout ceci ?
— Sire,
dis-je, je me suis moi-même converti à la religion catholique à seule fin de
servir Henri Troisième, quand je le vis déployer tant d’effort pour contrarier
la politique d’absolue éradication des protestants, préconisée par la Ligue et
le Guise. Et si, comme j’en suis bien assuré, vous parvenez, Sire, par votre
conversion à faire vivre ensemble sans qu’ils se molestent, les huguenots et
les papistes, je tiens que vous aurez rendu un émerveillable service, non
seulement à ce pays que voilà, mais aussi au ciel, puisqu’il n’est pas
imaginable que le Christ que nous adorons consente à ce que les chrétiens
s’entre-tuent.
— Bien
prononcé, Barbu ! dit le roi.
Là-dessus,
rejetant sa tête en arrière sur l’oreille de sa coite, il nous donna notre
congé, un peu las peut-être, mais ayant selon moi quelque raison d’être
satisfait de cet entretien, par lequel il s’était fait donner par
l’irréprochable Rosny la caution qu’il attendait.
Las, nous ne
l’étions pas moins, quand Rosny me raccompagna au logis de my Lady Markby,
n’ayant pu lui-même me bailler l’hospitalité, du fait que ses parents l’étaient
venus visiter en Saint-Denis. Mon Rosny, derechef songeard, bien que rasséréné,
gardait le bec clos, et l’on n’entendait pas d’autre noise que le bruit que
faisaient les pas de notre escorte sur le pavé, car Rosny, toujours fastueux,
n’avait pas emmené avec lui moins d’une douzaine de valets armés de porteurs de
torches, combien que les rues de Saint-Denis la nuit fussent infiniment plus
sûres que celles de Paris.
— Monsieur
de Rosny, dis-je à la parfin, si Henri suit votre conseil, vous-même
suivrez-vous son exemple ?
— Nullement,
dit Rosny en levant haut la crête. Je n’ai pas, moi, d’étranger à bouter hors,
ni de pays à pacifier, ni de trône à raffermir. Ma conscience ne me contraint
donc pas de contraindre ma conscience.
Partie de
cette phrase, Rosny me l’avait déjà dite, et du diable si je me souviens où et
quand. Pour le savoir, il me faudrait relire ces présents Mémoires, ce que je
ne veux faire, ne désirant pas avoir la tentation de les corriger, et moins
encore de les pimplocher. Mais comme ladite phrase me convie à faire sur moi un
retour – m’étant converti au papisme – j’aimerais dire ici qu’il est
plus facile à un homme qui jà a dû changer de religion sous l’effet de la
contrainte (comme moi-même et mieux encore comme Navarre, qui n’avait pas subi
moins
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