Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
à
l’auberge de l’Écu, rue de la Dévalade.
     
    Pierre.
     
    Parmi les
« vas-y-dire » il en est des musants qui limacent par les rues, et
d’autres au rebours qui volent, comme si les petites ailes de Mercure étaient
attachées à leurs talons. Celui-là, qui hantait ma rue en Saint-Denis, se
prénommait Barnabé, avait le cheveu couleur de flamme, et sans que je veuille
assurer qu’il y ait là cause à effet, bondissait d’un logis à l’autre comme un
incendie par grand vent. Le temps pour Fogacer de m’écrire ce qui suit, il fut
de retour à mon huis en un battement de cil :
     
    Mi fili,
     
    Honestus rumor
alterum est patrimonium [41] .
Raison pour quoi, servant qui tu sais, je ne peux être vu ès auberge douteuse
en rue infâme. Adhuc sine crimine vixi et fama mea clara est [42] .
Adonc, point de taverne. Que si pourtant sur les cinq heures, tu toques à
l’huis du 25 rue des Cordonniers, ancilla formosa [43] te
conduira jusqu’à moi, qui suis de présent et à jamais ton très fidèle et
affectionné serviteur.
     
    Révérend Docteur Fogacer.
     
    Ce billet me
titilla par son ironie autant qu’il m’émut par sa chaleur. Et quand je le lus à
Miroul, il rit à gueule bec des citations latines si appropriées, en effet, au
genre de vie qu’avait vécue jusque-là mon régent ès École de médecine de
Montpellier, lequel avait consumé ses jours à fuir de ville en ville le bûcher
dont ses mœurs étaient menacées. Raison pour quoi, comme se peut on s’en
souvient, il avait passé de longs mois, y compris en mon absence, dans mon
refuge du Chêne Rogneux.
    Quand la formosa ancilla nous ouvrit son huis, vous pouvez bien penser, belle
lectrice, que je la dévorais des yeux de l’orteil au sourcil, pour la raison
que je ne pouvais douter que ce fût là la jeune et jolie garce dont le baron de
Mespech avait dit que Fogacer était de présent flanqué « en tous temps en
tous lieux », ses anciennes vertus, au tournant de la quarantaine, se
trouvant, selon mon père, fissurées.
    La mignote, en
mon opinion, avait à peine passé quinze ans, un teint d’abricot, l’œil azuréen,
l’épaule forte, mais le parpal rondi, quoique fort boutonné dans un corps de
cotte sans décolleté aucun, le cou mollet et blanc, la hanche quelque peu
maigrichonne, mais l’arrière-train rondi, se peut par un de ces faux culs que
nos Parisiennes affectionnent, le cheveu blond coiffé en tresses virginales, et
la joue merveilleusement rosissante sous le feu des quatre yeux (Miroul étant
de la partie) dont la pauvrette se trouvait, en son antichambre, accablée.
    — Mi
fili, dit Fogacer en pénétrant dans la pièce avec une grâce anguleuse et
arachnéenne, le corps interminablement mince en sa vêture noire, et dès la
porte détachant vers moi un long bras qui me saisit à l’épaule, je ne t’ai
point requis céans, pas plus que ton Miroul, fidèle Castor de ce Pollux, pour
que vous dévoriez de l’œil, sinon de la dent, ma pauvre Jeannette, laquelle est
céans la fée du logis, courant, court vêtue, à la moutarde, bouillant mon pot,
cuisant mon rôt, servant et desservant, lavant et blanchissant, chassant
poussières, tuant insectes, piégeant souris, nettoyant verrières, lavant mon
dos, peignant mon cheveu, taillant ma barbe ; parmi tous ces inestimables
offices, le dernier, mais non le moindre étant, mi fili, pour te citer,
qu’elle fait et défait mon lit…
    À quoi, campé
sur une gambe et déhanché, une main sur ladite hanche, il rit, arquant son sourcil
diabolique sur son œil noisette. Rire qu’il coupa court sans raison apparente,
refermant brusquement ses lèvres tant rouges qu’une cicatrice, et ensuite les
allongeant, bouche cousue, en un très particulier sourire, long, lent, et
sinueux, comme s’il se fût gaussé de lui-même autant que de vous, et de la
terre entière.
    — Jeannette,
poursuivit-il, remettant une main sur mon épaule et l’autre – à une bonne
toise de là (tant son envergure était grande) sur l’épaule de mon Miroul, as-tu
en ton garde-mangeoir quelque substantifique moelle à donner à gloutir à nos
amis pour notre commune cène ?
    — Monsieur
mon maître, dit Jeannette que ce langage n’étonnait plus, j’ai des œufs du
jour, du jambon de Bayonne originaire de Normandie, du fromage de chèvre et une
grande tarte aux fraises, laquelle j’ai cuite ce matin.
    — Et du
vin ?
    — Du vin
de messe, Monsieur, dit Jeannette avec

Weitere Kostenlose Bücher