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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pour les prélats qui instruiront demain à huis clos Sa Majesté…
    — Quoi !
m’écriai-je, demain ? Vous avez dit demain ?
    — Demain,
23 juillet, de l’aube à la nuit.
    — Et
personne à la Cour ne le sait ?
    — La Cour
le saura après la repue de ce présent midi. Raison pour quoi, ajouta-t-il avec
son sinueux sourire, j’ai pu vous annoncer la nouvelle sans trahir le secret.
Quand vous saillirez de mon logis, mi fili, il n’est pas un fils de
bonne mère en Saint-Denis qui n’en sera instruit.
    — Et,
dis-je, qu’en est-il du brouillon de ce serment qu’on veut exiger du roi ?
    — Comme
vous l’avez deviné, mi fili, je l’ai gardé par-devers moi.
    — Et y
peux-je jeter un œil ?
    — Pas le
quart de la moitié d’un, mi fili. Encore qu’il n’ait rien de secret,
étant un magistral résumé en quatre pages de la confession catholique. Mais, si
vous le jugez à propos, je peux vous en lire les passages les plus savoureux,
mais non sans les faire suivre de mes commentaires.
    — Vos
commentaires ? Les commentaires d’un athéiste ? Cornedebœuf ! Ne
peux-je en être dispensé ?
    — Nenni,
vous aurez, mi fili, le texte et les commentaires, ou rien du tout.
    — Quelle
tyrannie ! Suis-je une oie pour que vous me gaviez de blasphèmes ?
    — Suis-je
une oie, dit Fogacer en arquant son noir sourcil, pour qu’on me gave de
miracles, de mystères et d’absurdités !
    — Sauf
votre respect, dit Miroul, si vous êtes une oie, révérend docteur, je vous ois.
    — Voici,
dit Fogacer en tirant de son pourpoint deux feuilles pliées en quatre, où je
reconnus les sabres et les boucles de sa grande écriture. Le roi y est requis
de croire en Dieu le père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.
    — Où est
la difficulté ? dit Miroul qui aimait à débattre.
    — Aucune,
dit Fogacer, sinon qu’on n’a jamais vu sur terre qui que ce soit créer quoi que
ce soit à partir de rien.
    — Mais,
dit Miroul, cela devrait être facile à Dieu, puisqu’il est tout-puissant.
    — Comment
sait-on qu’il est tout-puissant ? dit Fogacer.
    — Parce
qu’il a créé ciel et terre.
    — Émerveillable
raisonnement ! La conclusion se trouve déjà dans les prémisses !
Comment Dieu a-t-il créé ciel et terre ? Parce qu’il était tout-puissant.
Et comment sait-on qu’il était tout-puissant ? Parce qu’il a créé ciel et terre.
Peux-je poursuivre ?
    — J’allais
vous en quérir, dis-je avec un soupir, en faisant signe à Miroul de ne point
controverser plus outre.
    — En même
temps qu’à Dieu, le roi est requis de croire en Jésus-Christ son fils unique, engendré
du Père avant tous les siècles, engendré, non pas créé et consubstantiel au
père .
    — Eh
bien ? dis-je, tombant dans le piège à mon tour.
    — Hé !
c’est cet « engendré », qui me trouble, dit Fogacer. Dieu n’a pas
engendré le fils unique à la façon des hommes, puisqu’il n’a pas d’épouse. Il ne
l’a pas créé non plus.
    — Dieu
est tout-puissant, dit Miroul.
    — Assurément,
dit Fogacer, avec ce « tout-puissant », tant il est commode, on se
donne toujours tout. Observez cependant, je vous prie, que le fils est distinct
du père et se confond toutefois avec lui puisqu’il lui est consubstantiel.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
    — Ces
mystères échappent à notre raison, dis-je.
    — Si
c’est Dieu, dit Fogacer, qui nous a donné notre raison, sa révélation devrait
la satisfaire au lieu de la contrarier.
    — Mais, dis-je,
cette révélation est attestée par les Saintes Écritures.
    — Elles
ne sont saintes, que parce que nous les tenons pour telles, dit Fogacer, et
seulement depuis Clovis. Plus exactement, depuis la femme de Clovis. Nous n’y
croyons qu’en raison de sa crédulité. En outre, il y a deux façons
d’interpréter les Écritures. La huguenote et la catholique. Laquelle
choisir ? Ha ! Pauvre roi !
    — Pourquoi
« pauvre roi » ? dis-je.
    — Pour ce
que, dit Fogacer en brandissant ses feuilles manuscrites, voici ce qu’il devra
jurer demain : Moi, le roi, j’admets et reçois la Sainte Écriture selon
le sens que lui attache notre Sainte Mère l’Église, à laquelle appartient seule
de juger de la vraie intelligence et interprétation de ladite Écriture. Ici
Siorac, poursuivit-il en levant son gobelet, ici meurt piteusement cette grande
idée des protestants : le libre

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