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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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examen des Saintes Écritures. Je bois, mi fili, à son décès et au fruit d’ycelui.
    — Quel
fruit ?
    — L’intolérance !
Oyez derechef. Moi, le roi, j’approuve sans doute aucun et professe tout ce
qui a été décidé par les conciles, et en conséquence, rejette, réprouve et
anathématise toutes hérésies, condamnées, rejetées et anathématisées par notre
Sainte Église. Ici, Siorac, les Cathares, les Vaudois, les Hussites, les
Luthériens, les Calvinistes, et les Indiens des Amériques, sont brûlés ou
massacrés pour la deuxième fois. Ici le pauvre roi – car j’ai de lui
pitié – reconnaît l’absolue justice de la persécution que lui et les siens
ont subie depuis un demi-siècle.
    — Mais,
dis-je, le roi n’accepte l’intolérance que pour lutter contre l’intolérance.
    — En se
mettant à genoux devant ses bourreaux ? Je doute qu’il prenne la bonne
voie, ceux-ci ne lui épargnent rien, car le roi, Siorac… Holà, Jeannette,
reverse-moi de ce bon vin de messe ! Le roi devra confesser aussi le
Purgatoire d’où les âmes détenues ne peuvent être tirées que par les prières
des fidèles, leurs oboles et les messes qu’ils feront dire. Ici, mi
fili, vous pourriez ouïr en prêtant l’oreille, le tintinnabulement joyeux
des clicailles dans les saintes escarcelles. La merci à toi, Jeannette, je sens
que ledit vin va se convertir en moi…
    — En sang
pas du tout divin, dit Miroul.
    — Si
l’espéré-je : je ne tiens pas à être crucifié. Mais je poursuis. Après le
Purgatoire, Henri devra confesser les saints et les saintes – culte
éminemment populaire, païen et superstitieux – et vénérer, vous m’avez
bien ouï, les saintes reliques desdits saints, dont nul n’ignore qu’on en
façonne chaque jour davantage ; admettre que le Rédempteur a laissé à
son Église la puissance des indulgences et que l’usage en est très salutaire au
peuple chrétien  – et aussi, oserais-je ajouter, aux prêtres qui les
distribuent et non point gratis pro Deo. Enfin, il va sans dire que
notre pauvre Henri s’engage aussi à vénérer les images que l’on dresse
ès églises de Jésus-Christ, de sa bienheureuse mère perpétuellement vierge et
des autres saints et saintes, bref, ces mêmes images, tableaux, statues et
vitraux que nos bons huguenots brisaient dans les églises – en quoi l’art,
parfois, perdait prou, mais non la pureté du culte, la Bible ayant condamné si
formellement l’idolâtrie. En bref, poursuivit Fogacer en étendant devant lui,
la paume ouverte, son bras interminable comme s’il allait prophétiser, tandis
que d’une autre main, il roulait une tranche de son délectable jambon et la
fourrait tout entière dans sa large bouche, ce qui le contraignit au silence
pendant une bonne minute, en bref, dit-il, quand il l’eut gloutie, notre pauvre
Henri va, par son abjuration, conforter tous les abus, ajouts, inventions,
piperies et charlatanesques pratiques dont le papisme, au cours des siècles, a
corrompu la beauté et simplicité du christianisme primitif, lequel, de source
claire et cristalline qu’il était de prime, devint à la parfin à Rome un large
fleuve, charriant des flots boueux et perdant prou en pureté ce qu’il avait
gagné en puissance… Ha ! mon Pierre, pour le roi quelle chute ! Quel
reniement ! Quel lâche acquiescement à l’erreur !
    Sur la queue
de cette tirade, Fogacer fit entendre son rire éclatant et hennissant et le
coupant court, sourit, lequel sourire, je le dis encore, n’était point fixe ni
figé, mais sinuait et ondulait comme un serpent, tandis que, penchant la tête
de côté, il m’envisageait avec un petit brillement de son œil noisette, son
sourcil noir arqué remontant vers les tempes.
    — Fogacer,
dis-je à la parfin, je suis béant. J’entends bien que sous votre coutumière
gausserie se cache ici quelque gravité, laquelle me touche fort, pour ce que
j’ai gardé mon huguenoterie profond assez dans ma poitrine, tant est
qu’applaudissant pour les raisons que vous savez à la conversion du roi, je ne
laisse pas que d’en être fort marri. Mais vous, Fogacer, vous qui professez le
plus sacrilégieux athéisme, comment se fait-il que vous le preniez tant à
cœur ?
    — C’est
que les huguenots sont mes frères, dit Fogacer, puisqu’ils furent, comme moi,
persécutés. Et je n’aime pas que le premier d’entre eux se renie, urbi et
orbi [44] pas plus que je n’aimerais,

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