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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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moi, si peu que ce soit, me renier en mes mœurs.
Dieu merci, bougre je suis et bougre je demeurerai jusqu’à la fin des temps, ou
tout du moins jusqu’à la fin de ma corporelle enveloppe !
    À quoi ouvrant
la bouche, je restai bouche bée, puis la clouant, je restai bec cloui, jetai un
œil nouveau sur Jeannette, laquelle (mais dois-je encore dire laquelle  ?)
baissa ses naïves paupières sur sa joue abricot, puis je regardai Miroul qui me
contre-regarda, puis j’envisageai Fogacer qui, contr’envisageant Jeannette,
Miroul et moi tour à tour, paraissait immensément s’ébaudir en son for.
    — Baron
drapier du Chêne Rogneux, dit-il à la parfin en se levant, si vois-je à la
montre-horloge que vous portez si gracieusement en sautoir, qu’il est presque
midi, heure à laquelle je dois me rendre auprès de Mgr Du Perron afin
d’envisager sa langue, de lui regarder le blanc de l’œil, de lui prendre le
pouls, de m’informer avec anxiété de ses selles, me livrant, en bref, à toutes
les grimaces que commande mon état. Plaise à vous de me donner mon congé.
     
     
    Le soir de ce
jour, je rapportai à mon père, lors denotre repue, les propos de
Fogacer, en prenant soin toutefois de jeter le manteau de Noé sur son athéisme
et sur sa peu pénitente bougrerie – choses que mon père n’aurait pu
souffrir, et moins encore la seconde que le premier, ne montrant aucune
indulgence pour les péchés charnels qui ne le tentaient pas. Ce qui n’est point
à dire qu’il n’était pas très sourcilleux aussi sur le sujet de la négation de
Dieu, au point de me blâmer jadis à mi-mot d’avoir mis fin aux abominables
souffrances de l’abbé Cabassus en l’arquebusant sur son bûcher, tandis qu’il y
brûlait à feu petit.
    — Il est
étrange, dit mon père d’une voix grave, que Fogacer qui est catholique (phrase
qui me fit sourire en mon for) ait senti mieux que Rosny et moi-même l’aspect
infiniment déplorable de cette abjuration. Pour nous, notre strident appétit de
paix nous a dérobé de prime son caractère funeste. Mais, à y regarder de plus
près, et d’un œil clair, et quoique la conversion de Navarre doive, à court
terme, entraîner la défaite de la Ligue, à longue échéance, elle apporte à Rome
une victoire éclatante et marque, pour la cause huguenote, j’oserais dire, pour
l’esprit humain, un prodigieux recul.
    — Mon
père, dis-je, n’est-ce pas faire trop de cas d’une adhésion donnée du bout du
bec au Purgatoire, au culte de Marie, au pullulement des saints, aux fausses
reliques, aux idoles bariolées, aux vénales indulgences, et autres piperies et
fallaces ?
    — Nenni,
mon fils, nenni, dit mon père avec force, le protestantisme ne se borne pas à
la dénonciation de ces impudents ajouts du papisme à la pureté du christianisme
primitif ; c’est avant tout une façon nouvelle de conduire son pensement,
un refus cohérent de céder à l’erreur, à la superstition, à la tradition ;
en bref, une vaillante volonté d’examiner librement toute chose, de rhabiller
les abus, et d’avancer, partout où faire se peut, vers des solutions
meilleures. Raison pour quoi le huguenot n’est pas seulement le chrétien le
plus conséquent. Jusque dans la conduite de sa fortune, et la poursuite de son
état, il apporte son esprit de critique et de réforme. Il sera, s’il est riche
en pécunes, le plus habile ménager de ses biens. S’il a une terre, le plus
habile agriculteur. S’il tient boutique, le marchand le plus entreprenant. S’il
est roi, le souverain le plus soucieux de la prospérité de son royaume, et du
bien-aise de son peuple. Mieux encore, appétant de sortir, comme notre Henri,
des ornières sanglantes de l’Histoire, il caressera le projet magnifique d’établir
une confédération des États chrétiens d’Europe, pour établir une paix durable.
    Je n’eusse
jamais cru le baron de Mespech capable d’une telle ivresse de rhétorique, et
encore que son portrait du peuple huguenot en tant que peuple élu me parût
dangereusement paonnant, la justesse du trait ne m’échappa pas et j’en fus tout
ensemble amusé et touché.
    — Mais,
Monsieur mon père, dis-je, ce n’est pas parce que le roi orra la messe, qu’il
cessera pour cela d’être en son cœur et en son esprit le huguenot que vous
savez.
    — Oui-da,
mais quand il aura un fils, mon Pierre, ce fils ne peut qu’il ne soit élevé par
les prêtres papistes, lesquels le

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