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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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s’être tant
hâtés d’accourir, louanges qui volaient de bouche à bouche, ces mêmes bouches
qui plus tard, quand Navarre se fut converti, trouvaient nos réformés indignes
des charges de la Cour ou de recevoir l’Ordre du Saint-Esprit, que M. de Rosny,
pour ne citer que lui, n’eut jamais, même quand il fut créé duc et pair.
    De tout le
temps où j’avais été avec Navarre, je n’avais – je ne sais par quel
hasard – encontré M. de Châtillon et sa mélancolique face, et à la voir de
prime en cette soirée du huit mai, tant me frappa sa ressemblance avec l’amiral
de Coligny que lorsque Rosny me présenta à lui, j’en restai sans voix. Tant est
que M. de Châtillon, observant mon trouble, mais gardant imperscrutable, à ouïr
mon nom, son clair et beau visage, ne me dit alors ni mot ni miette, pour ce
que nous étions si proches du roi qu’il ne pouvait, sans offenser Sa Majesté,
évoquer la tragique circonstance où j’avais connu son père. En outre, le temps
pressait, la nuit était proche, l’heure ne convenait point aux remembrances. Il
fallait aviser de la meilleure défense qu’on pourrait faire, si Mayenne, maître
de Saint-Symphorien, attaquait la ville.
    Je ne fus pas
partie à cette délibération et Rosny non plus (lequel me parut nourrir quelque
pique à l’égard de M. de Châtillon, combien qu’ils eussent le même maître) mais
j’appris par les effets de ce conseil ce qu’on y avait résolu. Car sitôt que le
débat entre le roi, d’Aumont et Châtillon cessa, les arquebusiers de Châtillon
passèrent dans les deux îles du milieu de la Loire, qui à gué, qui par bateau
plat, et commencèrent incontinent à les fortifier. Je me ramentus alors ce que
Navarre avait dit le premier mai à Gerzé en traversant le pont pour aller
visiter le roi à la pique du jour : qu’il eût fallu de longtemps occuper
et remparer ces îles pour l’immense avantage qu’ils auraient donné à l’ennemi
dans le siège de Tours, s’il s’en était saisi.
    Me trouvant à
la nuit tombante avec Rosny dans la plus grande de ces îles, laquelle était
aussi la plus proche de Saint-Symphorien, et Rosny en ayant reçu la charge, je
fus béant d’admiration à observer l’art, l’expérience, et la considérable peine
auxquels se mirent incontinent, et mon mentor, et ceux qu’il commandait
(lesquels avaient, pourtant, galopé tout le jour depuis Chinon) pour rendre
imprenable la position qu’ils occupaient, creusant des tranchées courbes pour
éviter qu’un tir d’arquebuse les enfilât et disposant devant des blocs de
pierre. Ceux-ci, ils trouvèrent quasi sur place, protégeant du courant les
arches du pont et les enlevant d’où elles étaient, les disposèrent d’une façon
très adroitement calculée sur le remblai des tranchées, ménageant çà et là des
créneaux, mais des créneaux non point perpendiculaires à l’ennemi, mais
obliques par rapport à lui, tant est que tirant sur lui, ils ne pouvaient être
de lui atteints par un contre-tir, même si celui-ci visait la meurtrière.
J’ajoute, lecteur, que l’oblique de chaque créneau était à l’inverse de
l’oblique du créneau précédent, afin que tout le champ devant nous pût être
couvert. C’est la première fois que je vis cette émerveillable disposition, qui
me donna une fort haute idée des qualités guerrières de mes huguenots,
lesquels, contraints de se battre à deux contre dix depuis quasi un
demi-siècle, avaient appris qu’ingéniosité et travail pouvaient suppléer au
poids du nombre.
    La lune, en
cette nuit du 8 au 9 mai, était pleine et lumineuse, le ciel tout à plein
sans nuages, la nuit tiède, et il y avait pour moi quelque chose d’incrédible à
envisager ce labeur de fourmi sur cette île qui n’avait ni arbre ni maison et
ne servait coutumièrement à rien d’autre, je gage, qu’à abriter, à la belle
saison, les amours sans toit.
    La clarté
était telle qu’on eût pu lire un livre et que se voyaient fort distinctement
Saint-Symphorien et les sentinelles ennemies de la rive droite, lesquelles
n’étaient guère plus éloignées de nous que par un jet de pierre et nous
envisageraient à nos labours, mais sans nous tirer sus, n’ayant pas d’ordres.
De fait, le seul tir, fort intermittent, qu’on oyait, venait du faubourg même,
où quelque malheureux manant ou prisonnier payait de sa vie le zèle d’un
capitaine ligueux ou l’avarice d’un soldat qui le voulait

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