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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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avise de tirer
d’un demi-siècle de guerres civiles.
    Là-dessus, Du
Halde lui venant murmurer à l’oreille un message, il nous pria courtoisement de
nous retirer, l’ambassadeur de la reine Elizabeth le devant visiter, et pour
moi, la tête étrangement résonnante de la belle et noble sentence qu’il venait
de prononcer, j’allais suivre le flot de ceux qui s’en allaient, quand tout
soudain il me sourit et dit :
    — Siorac
mon fils, Quéribus n’étant point céans, j’entends que vous logiez chez mon
neveu le Grand Prieur.
    Marque tant
grandissime de sa faveur royale – le Grand Prieur, quoique bâtard, étant
un Enfant de France – que balbutiant mes grâces et mercis, je fus un moment
à ne pouvoir branler d’où j’étais, regardant le roi de mes yeux étonnés, et
au-delà des mots, lui voulant témoigner par mon regard l’infini de mon
affection. Ce qu’il entendit fort bien, car il sourit derechef d’un sourire
tant plein de bénignité et d’humaine tendresse qu’il s’imprima en ma cervelle
en une telle ineffaçable guise qu’à l’heure où j’écris ceci, je n’ai qu’à clore
la paupière pour le retrouver. À cet instant, Henri avait, à sa façon
accoutumée, la main dextre posée à plat sur le mantel de la cheminée, la
senestre sur sa hanche, la taille redressée, portant haut sur le chef son
coffion à aigrette, vêtu du pourpoint de satin violet qu’il n’avait quitté
depuis la mort de sa mère, les murs mêmes de sa chambre étant en signe de deuil
tendus aussi de toile violette. Et combien que cet appareil eût quelque chose
de funèbre, Henri paraissait, en sa royale immobilité, si serein, si joyeux, si
fort, et si confiant en son proche triomphe, que mon cœur me cogna tout soudain
les côtes de l’inouï bonheur qui allait être le sien, après les déquiétantes et
sinistres heures de sa proscription, quand il rentrerait demain en Paris et
regagnerait son Louvre. Hélas ! Mon pauvre maître ! Quelques heures
plus tard il était mort.
     
     
    Ha
lecteur ! Il ne me serait du tout possible de poursuivre ce récit, si tu
ne sentais pas derrière chaque lettre tracée de mon encre tremblante toutes les
larmes qu’il m’a coûtées.
    J’étais
pourtant, ce soir-là, comme tout un chacun à Saint-Cloud allègre et bondissant.
Et quittant le logis de Gondi, je descendis une rue assez pentue (le village de
Saint-Cloud étant bâti sur une colline qui domine la rivière de Seine) pour
gagner celui du Grand Prieur, où me reçut de prime son maître d’hôtel, un fort
bénin et bedondainant personnage, homme par la vêture, femme par la voix et le
déportement, lequel dit s’appeler Guimbagnette et qu’ayant reçu par un laquais
le commandement du roi à mon sujet, il me logerait, moi, ma suite et mes
chevaux à mon entière satisfaction ; que son maître le Grand Prieur était
à son souper avec quarante personnes des plus qualifiées de l’armée et que
ledit maître me baillait le choix, ou me joindre à eux incontinent, ou si
j’étais las, recevoir à souper dans ma chambre. Et sur ma réponse que je
préférais ce dernier parti après ma longue chevauchée de Châteaudun à
Saint-Cloud, je laissai mes chevaux aux mains de mes pages et mes arquebusiers
(Pissebœuf et Poussevent ne voulant pas, comme on sait, qu’on les nommât mes
valets d’écurie) et suivi de Saint-Ange et Miroul (lequel à ma suite se donnait
beaucoup de mal avec ses fluettes gambes pour se maintenir sur la même ligne
que l’écuyer, ne voulant en rien être devancé par lui) je gagnai mes
appartements, conduit par Guimbagnette qui de tout le temps qu’il me guida,
clabauda comme dix mille commères, se paonnant, me sembla-t-il, excessivement
de servir le fils de Charles IX et de Marie Touchet.
    — Monsieur
le Baron, dit-il avec des afféteries et des grâces du coude et de la main qui
prêtaient quelque peu à sourire, ne vous étonnez-vous point que nous ne
mangions point ce soir avec le roi ? (par ce nous, il entendait, je
suppose, son maître).
    — Dois-je
m’en étonner ? dis-je en haussant le sourcil.
    — Oui-da,
Monsieur le Baron, dit Guimbagnette avec un sourire poli où se pouvait deviner
cependant l’ombre d’une condescendance. En tant qu’Enfant de France, quoique
naturel, nous avons cet honneur et ce privilège de souper le soir avec Sa
Majesté.
    — Ce
soir, dis-je complaisamment (ayant toujours trouvé plaisir et profit à ouïr
avec patience

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