La Violente Amour
neveu, parfois au sein du même logis, s’entredéchiraient impiteusement,
et chacun au nom de l’Évangile, et du Dieu d’amour et de pardon.
Le pauvre
Rosny trouva Madame son épouse en tel état qu’elle mourut quelques jours plus
tard, à quelle triste mort il conçut un déplaisir tel et si grand que de tout
un mois nous le vîmes, la face éteinte, et la paupière baissée, ni sourire ni
parler. Cependant, la nouvelle que Navarre avait persuadé le roi de marcher sur
Paris et le bruit qui courut partout tout aussitôt des succès que leurs forces
conjointes remportaient en ce mois de juillet, prenant Pithiviers et Étampes,
et les rendant maîtres, pour ainsi parler, des avenues de la capitale, réveilla
Rosny de son pâtiment et lui redonna force et vigueur assez pour sonner le
boute-selle et rejoindre les deux rois, lesquels, fin juillet, comme on avait
ouï, s’allaient camper, qui à Saint-Cloud, qui à Meudon.
Nous les y
trouvâmes, en effet, leurs armées fort déployées. Navarre occupant les villages
de Vanves, Issy et Vaugirard, tandis que le roi logeait à Saint-Cloud, dans la
maison de Jérôme de Gondi (lequel avait été écuyer de sa mère), ses troupes,
quant à elles, se trouvant cantonnées d’Argenteuil jusqu’à Villepreux et de Villepreux
à Vaugirard.
Dès que nous
fûmes parvenus au joli bourg de Villepreux, et tout péril à chevaucher
isolément étant ôté puisque notre parti tenait tout le pays à l’alentour, je
quis de M. de Rosny de me donner mon congé, pour ce que je voulais visiter mon
bien-aimé maître et souverain à Saint-Cloud et demeurer quelques jours avec
lui : ce à quoi Rosny voulut bien consentir, quoique assez au rebours de
son estomac, n’aimant point voir diminuer sa suite, même de six personnes et
rechignant aussi en son for qu’un huguenot de cœur comme moi eût plus de hâte à
retrouver Henri Troisième que le roi de Navarre.
Mais le
lecteur n’ignore point la dévotieuse affection que je nourrissais pour mon
prince, avec quelle ardeur sans limites je l’avait servi en Boulogne et à Paris
sous la déguisure d’un marchand bonnetier et de quels immenses bienfaits il
avait récompensé mon zèle.
L’austère Du
Halde qui ne pouvait m’envisager sans se ramentevoir la nuit blanche que nous
avions passée à Blois dans la garde-robe du roi, à espérer quatre heures du
matin – Du Halde n’ayant pas fiance en son réveille-matin qu’il avait
acheté en la ville – me bailla, à m’apercevoir, une forte et longue
brassée, et encore que la porte du logis de Gondi fût assiégée par une cohue de
seigneurs, me fit passer outre dans une petite antichambre, mais seul – au
grand dol de mon Miroul qui dut rester avec ma suite, puisque, hors l’écuyer,
il la gouvernait. Et incontinent l’huis se déclosant, et Sa Majesté me voyant,
elle me commanda d’entrer, me présenta la main, et me dit :
— Ha !
Siorac, mon fils, que je suis aise de voir votre tant claire et franche
face ! J’ai ouï dire que vous avez vaillamment combattu à Tours et à
Bonneval !
— Sire,
dis-je, il y a, dans votre noblesse, tant catholique que huguenote, des
centaines de gentilshommes qui n’appètent qu’à mourir pour vous.
— Cela
est vrai maintenant, dit le roi, envisageant d’un air entendu les assistants de
ses beaux yeux italiens. Cela n’était pas vrai hier. Tant il est constant que
le succès attire le succès, comme l’aimant la limaille. Il y a trois mois,
comme bien tu sais, Siorac, mes affaires étaient en tel triste prédicament
qu’on eût pu les dire tout à plein désespérées. Je perdais des villes tous les
jours. Les défections autour de moi se comptaient par dizaines. Et il n’était
point joueur si intrépide qui eût gagé alors un sol sur ma victoire. La Dieu
merci ! L’alliance avec mon cousin et bien-aimé frère le roi de Navarre a
tout rhabillé. À Tours, Senlis, Bonneval, Pithiviers, Étampes, nos conjointes
troupes ont vaincu les rebelles à mon trône. Ici même, à peine à Saint-Cloud
rendu, j’ai saisi en un tournemain avec quelques canons le pont sur la rivière
de Seine que les ligueux occupaient. Le bon Sancy m’a amené dix mille Suisses
et à la revue que j’ai passée à Poissy, mes armées se sont trouvées fortes de
trente mille hommes, frais, sains et bien armés. Qui plus, est, la bonne
noblesse de toutes parts afflue, n’y ayant pas un fils de bonne mère en France
qui ne
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