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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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trouverais, à
cette minute, d’un an en arriérage sur mon petit préciput (par quel mot
élégant, il désignait, je gage, ses gages. Et puisque je suis à parenthéser,
peux-je ajouter que je faisais fiance pleinement à Guimbagnette, puisqu’il
ménageait les pécunes du Grand Prieur, pour ne pas laisser couler devant lui ce
pactole sans en dériver ruisselet à ses fins).
    Étant appelé à
cet instant par un laquais en rutilante livrée, Guimbagnette sortit, précédé de
ses pages voletants et chatoyants dont je ne voyais pas l’usance, sinon à
donner à ses entrées et sorties le faste qui convenait au majordomo d’un
Enfant de France. Et pour moi, laissé seul en cette antichambre, je ne pus que
je n’ouïsse par la porte entrebâillée, les bruyants discours des dîneurs,
lesquels, quoique couchés en langage de Cour, ne me parurent guère différents
de ceux que j’avais écoutés deux étages plus bas, en l’écurie, de la bouche de
Pissebœuf. Car il n’y était question que de la prise de Paris que l’on se
promettait pour le lendemain, et des délectables plaisirs qui s’y
encontreraient, et dont les dames et les biens des ligueux feraient les frais,
les unes séduites et les autres pillés. Et pour les dames plus précisément, que
l’on ne craignait pas de nommer, chacun pour ainsi parler se réservant telle ou
telle par avance et comme j’ai dit, nommément, sans aller jusqu’à l’éloquence
de Pissebœuf, exaltant « le braquemart en la princière entrefesse » —
j’observais que l’anticipation desdits seigneurs ne répugnait pas à des
gaillardies qui eussent fait rougir mes lectrices. La seule différence que j’observais
entre ces propos et ceux de mon valet d’écurie, c’est que d’aucuns des
soupeurs, un octave plus bas, débattaient à mots prudents et chattemites des
nominations qui seraient faites par le roi, dès qu’il aurait réassis son
pouvoir en la capitale, à telle ou telle place ou office, ou gouvernorat, par
le moyen desquels je voyais bien que certaines fidélités étaient fort
impatientes d’être récompensées. Ha ! m’apensai-je en mon for,
Pissebœuf ! Poussevent ! Gentille piétaille ! Vous ne barguignez
pas, vous, votre fidélité à votre roi, une fois que vous l’avez baillée,
troquant, contre un maigre pain quotidien, votre vaillance, vos navrures et, se
peut, votre mort.
    À ma
considérable béance, Guimbagnette revint, mais point seul, précédant le
capitaine Larchant, le maréchal de Biron, les sieurs de Clermont et
d’Entragues, et qui d’autre, qui d’autre ? sinon le roi ! À la vue de
qui, me levant, je fis un profond salut.
    — Hé,
quoi, Siorac, mon fils ! dit Henri avec sa coutumière bénignité, vous
n’êtes pas du souper ?
    — Non,
Sire, dis-je.
    — Monsieur
le baron de Siorac, dit Guimbagnette, craignant d’être blâmé, a préféré, étant
las, le prendre dans sa chambre.
    — Mais
combien sont donc ces soupeurs à faire tant de noise ? dit le roi, et
mettant le gros Guimbagnette devant lui pour non pas être vu, il jeta un coup
d’œil par la porte entrebâillée. Une trentaine, à ce que je crois.
    — Quarante,
Sire, dit Guimbagnette.
    — Voyez,
mon père, dit le roi au maréchal de Biron, le Grand Prieur mange mon bien, mais
il ne le mange pas seul…
    À quoi le
maréchal, Larchant et Clermont et d’Entragues rirent aussi, ce que je me permis
de trouver un peu malheureux, les Suisses de Sancy n’étant pas payés.
    — Guimbagnette,
dit Henri au majordomo, lequel rougit d’orgueil que le roi se ramentût
son nom, dès que le souper sera fini, mais pas avant, dites à mon beau neveu de
me venir retrouver au jardin et d’y venir seul. J’entends avec M. de Siorac,
reprit-il en m’adressant un sourire, puisqu’il est son hôte. Mais attendez,
Guimbagnette, attendez que mon neveu ait achevé son souper, avant que de lui
dire que je l’attends. Je ne voudrais pas écourter ses viandes. On dévore à cet
âge.
    — Ha !
Sire ! dit Guimbagnette en se génuflexant, faire attendre Sa Majesté,
est-ce là Dieu possible ?
    — Sa
Majesté n’en sera pas à plaindre, dit Henri avec un sourire des plus charmants,
puisqu’il aura la compagnie de M. le Maréchal et de ces Messieurs.
    Là-dessus, le
roi passa dans le jardin, comme il avait dit, lequel était fort beau, ayant
appartenu à un chanoine qui y consacrait plus de temps qu’à ses prières, à ce
que m’apprit Guimbagnette,

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