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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le
velours au même prix que la toile.
    — Plutôt
que la marchandise, dit Poussevent, c’est la marchande qu’il me faudrait, si
elle se trouve accorte.
    — Fi
donc ! Une marchande ! dit Pissebœuf, une marchande ! C’est
viser bien bas pour l’arquebusier d’un baron ! Pour moi, cap de Diou, je le dis tout net ! C’est la Montpensier qu’il me faut !
    — Quoi,
une duchesse ! dit Poussevent. La sœur du Guise !
    — Elle-même !
Je ne dégainerai pas à moins !
    Cependant,
l’irraisonnableté de cette ambition aiguillonnant quelque peu Poussevent, il
dit d’un air mal’engroin :
    — On dit
qu’elle cloche d’une gambe.
    — Ha
bah ! dit Pissebœuf superbement, quand les deux pattes sont en l’air, qui en
a cure ?
    — Elle te
rebéquera.
    — Nenni,
mon Poussevent. Il y a la manière. Je n’irai pas à l’affaire chattemitement à
la jésuite, mais tout de gob, à la béarnaise. Madame, lui dirai-je, le roi de
France a dit qu’il vous jetterait au feu pour prix de vos menteries et de vos
artifices, et pour avoir fait la reine à Paris, et rameuter la populace contre
lui. Eh bien, Madame, adonc choisissez : le feu ou mon braquemart (lequel
est de bonne maison) en votre princière entrefesse.
    — Voilà
qui est chié chanté ! dit Poussevent, la brosse en l’air et d’admiration
béat.
    — C’est
qu’il y a la guise pour une Guise, dit Pissebœuf qui aimait tout autant les giochi di parole qu’Henri Troisième. Ayant appris le latin quand j’étais
clerc, poursuivit-il d’un air de mystère, j’ai lu les bons auteurs et je sais.
    — Que
sais-tu ? dit Poussevent, étonné.
    — Qu’il
te faudra prendre garde en Paris, Poussevent, dit Pissebœuf avec gravité.
    — Et de
quoi ?
    — De mule
qui rit et de femme qui te fait signe : pour ce que mule qui rit de ses sabots
te férit, et femme qui te fait signe, de ses ongles t’esgraffigne.
    — Cap
de Diou ! À qui se fier en cette vilaine Paris ? dit Poussevent,
fort rabattu.
    — Conforte-toi,
galapian, dit Pissebœuf. Les Parisiennes, quant à elles, n’esgraffignent point.
Elles mordent.
    À peine
achevait-il que précédé d’un coloré essaim de cinq ou six pages portant la
livrée du Grand Prieur, et voletant devant lui, Guimbagnette apparut en se
dandinant, comme s’il eût marché sur des œufs, et m’espinchant au milieu des
chevaux, agita en l’air ses doigts courts au bout de ses petits bras, lesquels
étaient quasi empêchés de se rejoindre par la rotondité de sa bedondaine.
    — Hé
quoi ! dit-il de sa voix flûtée, Monsieur le Baron, vous céans ! En
ce bren ! En cette odeur ! Avec ces valets d’écurie !
    — J’en
demande pardon à votre personne, majordomo, dit Pissebœuf avec hauteur,
nous ne sommes pas les valets d’écurie de Monsieur le Baron. Nous sommes ses
arquebusiers.
    À quoi
Guimbagnette eut un air aussi prodigieusement étonné que si un vermisseau,
levant le nez de sa crotte, eût présumé de lui adresser la parole.
    — Monsieur
le Baron, dit-il, Monsieur le Grand Prieur requiert votre présence, son souper
touchant à sa fin. Plaise à vous de me suivre et de vous retirer de cette
excrémentielle odeur.
    — Laquelle,
dit Pissebœuf sotto voce, vaut bien celle de la poudre, que d’aucunes
narines, en leur délicatesse, n’ont jamais respirée…
    Sur cette
flèche du Parthe qui piqua le gras de son dos sans qu’il tressaillît le
moindre, Guimbagnette me remonta de l’étage roturier à l’étage noble où je me
trouvai dans une antichambre tendue d’or et de pourpre, dont l’huis à demi
déclos laissait voir une grande table où quarante seigneurs des plus brillants
étaient assis, festoyant et carousant, le Grand Prieur au milieu d’eux,
siégeant sur une sorte de trône, tout lys et roses en la fleur de ses seize
ans.
    — Monsieur
Guimbagnette, dis-je en m’asseyant sur une escabelle recouverte de velours
rouge qu’il me désigna dans l’antichambre, il faut que M. le Grand Prieur soit
fort étoffé pour traiter quarante personnes à la fois.
    — Hélas,
Monsieur le Baron, hélas ! dit Guimbagnette en élevant dans les airs ses
doigts courts, il n’en est rien. M. le Grand Prieur n’a pour vivre que ses
dettes. Il est excessivement dépenseur. Je crains qu’il n’ait croqué ce soir en
une nuit la pension que le roi, en sa libéralité, lui accorde pour le mois, et
si je n’avais au passage prélevé quelques petits écus, je me

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