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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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allant les yeux à terre, et les
mains dans ses grandes manches – en lesquelles, toutefois, il avait
dissimulé un cotel ?
     
     
    Jacques de La
Guesle, conseiller du roi et son Procureur général au Parlement, était un de
ces royalistes loyaux qui ayant suivi le roi à Tours après qu’il eut été chassé
de Paris par la journée des barricades, et liant indéfectiblement sa fortune à
la sienne, dans la male et bonne heure, s’en était à la parfin advenu à
Saint-Cloud avec les armées de Sa Majesté. Or, M. de La Guesle, qui était
parisien (et dont la Ligue avait pillé le logis de ville à son départir, comme
elle avait fait pour le mien), possédait une maison des champs sise près le
village de Vanves au sud de la capitale, et ayant obtenu son congé du roi le
30 juillet pour l’aller voir afin de s’assurer qu’elle n’avait pas été,
elle aussi, ravagée, soit par les ligueux, soit encore par les soldats
huguenots qui depuis peu occupaient les lieux, eut la joie de constater que la
bienvoulance de ses voisins lui avait préservé et ménagé sa campagne – la
maison et le verger grâce à eux se trouvant intouchés, les foins rentrés, les
moissons faites, les bêtes saines. M. de La Guesle qu’accompagnait son frère
Alexandre, après avoir dormi avec délices en sa demeure retrouvée, et fait
mille grâces et merciements au matin à ses bons voisins, lesquels il recommanda
à belle langue à l’officier huguenot qui était en autorité en ce cantonnement,
monta à cheval, son frère se mettant au botte à botte avec lui, et de Vanves
rejoignit la route qui mène à Saint-Cloud, laquelle passe, comme on sait, par
Issy et Vaugirard.
    Je ne
connaissais pas alors M. de La Guesle, mais je le connus intimement assez deux
ans plus tard, le conseiller s’étant pris de quelque amitié pour moi, pour ce
que je lui avais bonnement confié, dans le courant de la parladure, que mon
grand-père était apothicaire, que la noblesse de ma famille, de ce côtel, ne
venait que de mon père, lequel l’avait gagnée sur les champs de bataille, et
que moi-même, j’étais un impécunieux cadet, plus riche en médecine qu’en
clicailles, avant que le roi, pour quelques services que je lui avais rendus,
m’élevât à la baronnie.
    Ce conte plut
à M. de La Guesle, pour ce que son grand-père, n’étant que drapier, avait
amassé des écus assez pour acheter une charge à son père, lequel s’y étant
enrichi, lui avait à sa mort permis d’acheter celle où il s’encontrait,
celle-ci lui conférant une noblesse de robe dont il se paonnait fort, et dont
il espérait que son fils ferait un marchepied pour gravir l’échelon où je me
trouvais jà. Car M. de La Guesle tout ensemble déprisait en son for la noblesse
d’épée, pour ce qu’il la trouvait ignare et oisive, et cependant l’enviait et y
voulait voir entrer sa descendance, comme étant un Ordre au-dessus du sien dans
l’État, et plus proche du roi. Pour cette même raison, dès lors qu’il sut que
j’étais comme lui issu de la même laborieuse roture, il s’autorisa à m’admirer
deux fois, et comme médecin, et comme baron.
    Au physique,
M. de La Guesle était un homme grave, de mine prudente, de verbe circonspect et
lent en sa mouvance, portant une grande barbe noire, et arborant, en sautoir,
au-dessous de son austère petite fraise, une montre-horloge en argent qu’il
consultait souvent. Il fut longtemps sans me vouloir parler de son encontre du
31 juillet avec Jacques Clément, pour ce que le rongeait le poignant
remords d’avoir été l’innocent instrument qui rapprocha le criminel de sa
proie, mais lorsque enfin je parvins à percer ses défenses, il m’en entretint à
loisir, et par le menu, comme s’il eût trouvé quelque soulas, une fois de plus,
à justifier l’incrédible enchaînement des effets et des causes par lequel il
procura sa mort au roi, alors qu’il l’aimait et le servait avec une fidélité
qui était allée, après les barricades, jusqu’au dol et détriment de ses propres
intérêts.
    — Mon
ami, me dit M. de La Guesle, en me toquant du doigt le genou comme il était
assis en face de moi devant son feu, c’est manifestement le démon qui plaça sur
mon chemin cette créature issue de son Enfer, et vêtue pour mieux me tromper,
de la robe d’un serviteur de Dieu. Et c’est (nouveau toquement) le démon encore
qui usa diaboliquement de mes vertus mêmes et de mon zèle à servir le roi

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