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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mêmes
personnages qui, la veille, les larmes leur coulant sur la face, avaient prêté
serment à Navarre, enfoncer leurs chapeaux jusqu’aux yeux, ou les jeter par
terre, fermer le poing, comploter et conciliabuler, se toucher la main et se
faire mutuellement le vœu que jamais, jamais ils n’accepteraient qu’un réformé
s’installât sur le trône de France ! Plutôt mourir de mille morts que
souffrir un roi huguenot ! Plutôt se rendre à toutes sortes d’ennemis que
d’accepter sa loi ! Madame, cette Cour écumait et bouillonnait en la sauce
traîtresse comme le chaudron d’une sorcière ! Et d’autant qu’il y avait
deux Cours ! Celle du feu roi et celle de Navarre, et que celle-ci
bouillonnait aussi, mais les bulles qui crevaient à sa surface trémulante
parlaient un bien autre langage. Car si on ne voulait point là d’un roi qui fût
huguenot, ici on ne voulait pas d’un roi qui tournât papiste. »
    Henri IV –
que d’ores en avant en ces pages j’appellerai le roi, en tout respect, amour et
soumission, mais non cependant sans que mon cœur se serre de nommer ainsi un
autre prince que mon bien-aimé maître – n’ayant point voulu, après la mort
d’ycelui, se loger en Saint-Cloud en la maison de Gondi, se peut par
superstition, l’avait laissé au Grand Prieur dont, en revanche, il avait pris
pour lui le logis, et c’est là, en cette maison que je connaissais bien pour y
avoir dormi deux nuits, la première si bien, la seconde si mal, que le roi fut
par ses fidèles assailli, car si d’aucuns de ses conseillers inclinaient à la
conversion du roi, mais sans l’oser dire encore – Roquelaure parce qu’il
était lui-même papiste, M. de Rosny parce qu’il était politique –, bien
d’autres, en revanche, et d’aucuns de la façon la plus stridente, comme le
ministre Marmet, M. de La Trémoille et M. Mornay-Duplessis (qu’on surnommait le
pape des huguenots) prêchaient au roi la fidélité à sa foi avec d’autant plus
de véhémence que le parti du défunt roi le pressait davantage de l’abandonner.
    À moi qui
envisageais le roi tandis qu’il marchait qui-cy qui-là dans la grande salle du
logis, oyant les avis qu’on lui donnait et n’y répondant miette, il me faut
bien avouer que Sa Majesté n’était pas tant majestueuse que mon défunt maître
et que se trouvant plus accoutumée à faire le soldat que le roi, il trouvait de
la peine à jouer ce personnage. Pour tout dire aussi, son physique ne s’y
prêtait point si bien, pour ce que Navarre avait les gambes courtes, le torse
long, étant de sa dégaine peu élégant, n’ayant point la royale stature et
démarche d’Henri, ses bonnes proportions, sa vêture magnifique, son imposante
immobilité, ni quand il bougeait, ses gestes harmonieux, ni dès qu’il parlait,
sa suave rhétorique, ni les traits du visage si raffinés, ni les yeux si beaux,
si parlants et si lumineux.
    Le roi que je
voyais là sentait les camps, le cuir et la sueur. Le moindre de ses mouvements
annonçait beaucoup de force, et dans son torse long, comme en ses gambes de
coq, maigres et musculeuses, se devinait une indéfatigable énergie. Il excellait,
de fait, à toutes les athlétiques exercitations. Il était fruste, sobre, actif,
passait moins de temps au lit que Mayenne à table, et encore, quand il n’y
était pas seul, il y gaillardait plus qu’il ne dormait. Il déjeunait d’un
quignon et d’un oignon, se régalait d’une piquette, s’ensommeillait sur une
botte de paille, restait dix-huit heures le cul sur une selle, se battait comme
un lion, pensait comme un sage.
    À en juger par
son crâne, qui était vaste et son front, large et puissant, il avait, pour citer
Montaigne, « la tête tant bien pleine que bien faite », ce qui se
voyait au regard aigu, direct et perçant avec lequel il jugeait d’un coup, et
sans errer jamais, les hommes et les situations, et à sa parole brève, rapide,
toujours opportune, ne disant à chaque difficile moment très exactement que ce
qu’il fallait dire et rien de plus, ni rien de moins, et connaissant tout aussi
bien, et sans se tromper non plus, la minute précise où il valait mieux
s’accoiser.
    Sa face
n’était point belle, étant se peut trop grosse pour son corps, son nez courbe
et long – plus long, disait-on à son avènement, que son royaume –
lequel nez, le menton avait quelque tendance à joindre. Et cependant, le roi
s’encontrait à son accoutumée si

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