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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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s’accrut
excessivement, avec fréquentes faiblesses, douleurs extrêmes, gémissements,
fièvre aiguë, soif insufférable et très grandes inquiétudes.
    Boulogne
survenant enfin, il se trouva trop faible pour se confesser et demanda tout
soudain pourquoi on avait retiré les lumières. Ce qui nous fit entendre qu’il
avait perdu la vue, toutes les bougies étant allumées.
    Cependant,
vers deux heures du matin, il eut une soudaine rémission et Henri recouvra ses
esprits assez pour se confesser à Boulogne, quoique brièvement. Après quoi,
retombant épuisé sur sa couche, il fit deux fois le signe de la croix et
expira.
    Nous nous
jetâmes tous à genoux, hormis le Grand Prieur qui, de par son âge et son
excessive sensitivité, chut de son long sur le sol, tout à plein pâmé. Tant est
que sur l’ordre de Bellegarde, lequel l’aimait prou, les valets le placèrent
sur une coite et le portèrent en son logis. Et M. Le Grand me priant de
l’accompagner, je le suivis, tâchant de le tirer de sa faiblesse. Cependant,
dès qu’il eut repris ses sens et ses couleurs, il quit de moi, l’œil égaré,
s’il était constant que le roi était mort. Et sur ma réponse qu’il l’était, en
effet, il se jeta dans mes bras et sanglota comme un enfant.
     
     
    Dans le
royaume de France, le mort saisit le vif. Belle lectrice dont je chéris
l’apparence et estime l’esprit, je vous prie de ne point vous rebéquer à cette
expression obscure, mais d’avoir la patience d’apprendre de moi ce qu’elle
signifie et vous désenchaînant alors des entraves que vos pères et maris ont
passées à votre entendement, me permettre d’être en le cabinet où vous vous
pimplochez (votre chambrière vous tenant le miroir) le maître et régent qui
vous enseignera les choses de la Nation, sans pensum ni réprimande, mais
modestement assis sur une escabelle, le genou contre le vôtre, et entre deux
leçons, tenant vos belles mains.
    — Moussu,
dit mon secrétaire Miroul en recopiant ce qu’on vient de lire de sa claire
écriture, voilà une éhontée captatio benevolentiae [9] ! Autant vous êtes peu aimable
aux pères et aux maris, autant vous l’êtes prou aux filles et aux épouses. D’où
viennent ces étranges partialités ? Cornedebœuf ! Dès qu’il s’agit
des dames, que de caresses ! Que de cajoleries !
    — La
raison en est simple, Miroul, dis-je avec un soupir, j’ai plaisir à penser que
de beaux yeux me lisent.
    — Ho,
ho ! Moussu ! dit Miroul d’un ton vif avec un petit brillement de
l’œil, ce soupir ! Ces « beaux yeux » ! Est-ce que vous poigne
encore le regret de la belle drapière ?
    — Miroul,
dis-je en sourcillant, si tu étais mon page et que je fusse ton gouverneur, cet
inquisitoire te vaudrait le fouet.
    — Ha,
Moussu ! dit Miroul en riant, quelle chattemitesse ire ! Comment
pourrais-je ignorer, vivant en votre quotidien, que d’ores en avant pour vous,
« belle drapière » et « beaux yeux » ne font qu’un ?
    À quoi je
haussai l’épaule et me replongeant en ce rêveux pensement que j’ai dit,
expliquai à mes lectrices que dans le royaume de France, s’agissant tout
particulièrement des rois, le mort saisit le vif.
    « — Mais
comment, Monsieur, peut-il le saisir, puisqu’il est mort ?
    « — Il
le saisit de ses biens, lesquels entrent en la pleine possession de l’héritier,
sans formalité ni cérémonie, dès la seconde où le roi mourant expire. Ainsi, le
2 août 1589, à deux heures du matin, Henri Troisième ayant perdu vent et
haleine, Henri de Navarre devint Henri Quatrième. Nul besoin de le proclamer
roi. Il le fut ipso facto [10] ,
sans délai, retard, ni transition.
    « — Je
gage, Monsieur, que la raison en est que le trône ne saurait rester vacant plus
d’une minute sans déchaîner des convoitises.
    « — Lesquelles
convoitises, Madame, s’étaient, chez les princes lorrains dont Guise était le
chef, dressées en sifflant comme des serpents, dès l’instant où il apparut que
Henri de Valois mourant sans enfant mâle, son héritier serait un huguenot. Beau
prétexte que la différence de religion ! Belle raison pour contester sa
légitimité !
    « — Mais
Henri III, le jour de sa mort, avait fait reconnaître Navarre par les
Grands de sa Cour.
    « — Partie
desquels le déconnut, dès qu’Henri eut passé. Ha ! Madame, mon pauvre
bien-aimé maître à peine embaumé, j’ai vu de ces yeux que voilà les

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