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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa
légitimité de roi de France ne serait point par eux reconnue.
    — Sire,
dit François d’O, parlant d’une voix haute et claire, le royaume qui vous
advient ce jour n’étant point une succession à mépriser, il la faudrait
cueillir avec les conditions qui l’environnent. C’est pourquoi nous nous somme
apensés que vous devriez considérer très précisément de quelle religion sont en
ce royaume les princes du sang, les officiers de la Couronne, les Parlements,
les trois Ordres et l’ensemble du populaire. C’est pourquoi il vous faut
considérer aussi qu’aucun roi jusqu’à ce jour ne fût tenu pour tel en ce
royaume sans être sacré et oint, le sacre étant pour ainsi parler les arrhes et
les marques des rois de France, à telle enseigne que sans être sacrés et oints,
ils ne sauraient véritablement régner. Nous tenons, donc, Sire, qu’il vous faut
embrasser la religion du royaume avec le royaume même – ou à tout le moins
consigner dès maintenant une promesse de vous faire instruire dans peu de jours
en la religion catholique – ou bien choisir les misères d’un roi de
Navarre et fuir le bonheur et l’excellente condition d’un roi de France.
    Le roi, à ouïr
cette quasi-sommation, ne put rester la face tant imperscrutable qu’il l’eût
peut-être souhaité. Il pâlit de prime tout ensemble de colère et de crainte et
arrêtant sa marche pendulaire et se tournant d’un bloc vers les serviteurs
du feu roi (qui d’évidence n’étaient pas encore les siens) il les affronta
et d’un ton abrupt, quoique cependant avec courtoisie, il dit, ses mots
brusques et nerveux jaillissant de sa bouche comme carreaux d’arbalète :
    — Messieurs,
je proteste contre cette violence de me prendre ainsi à la gorge sur le premier
pas de mon avènement, et de me vouloir quasiment sommer de me dépouiller l’âme
et le cœur à l’entrée de la royauté ! Ha ! Messieurs ! Cette
sommation (il accentua le mot avec force) de changer ma religion, elle me fut
faite toute ma vie ! Mais comment ? La dague à la gorge ! Quand
je n’eusse point eu respect à ma conscience, celui de mon honneur m’eût empêché
d’y donner suite ! Messieurs, poursuivit-il avec véhémence, avoir été
nourri, instruit et élevé en une profession de foi, et tout soudain, sans ouïr
et sans parler, tout soudain, dis-je, se rejeter de l’autre côté, non Messieurs,
ce ne sera jamais le roi de Navarre qui fera cela, y eût-il trente couronnes à
gagner !
    À ces paroles
véhémentes, à ce « non » clair et abrupt, je vis, à envisager les
faces à la ronde, celles des conseillers huguenots s’épanouir et en revanche,
se rembrunir et se clore excessivement celles des serviteurs du feu roi. Ce que
voyant Navarre, qui tout en parlant n’avait cessé de darder à l’alentour son
regard perçant, il entreprit avec la vivacité coutumière de ses subtils
retournements d’adoucir l’effet de ces propos, comme si, ayant parlé de prime
en soldat, il se souciait d’ores en avant d’exprimer sa position davantage en
diplomate, arrondissant son vinaigre de toute l’huile qui lui parut nécessaire.
    — Or,
Messieurs, reprit-il d’un ton bonhomme en marchant vers les serviteurs du feu
roi, ses deux mains ouvertes comme pour serrer les leurs, or, Messieurs,
laissons cela ! Si par la prière que vous m’avez faite, vous désirez
seulement le salut de mon âme, je vous remercie. Mais si vous ne souhaitez ma
conversion que pour la crainte qu’un jour je vous contraigne à vous convertir,
vous errez ! Mes actions répondent à cela. En outre, Messieurs, est-il
vraisemblable qu’une poignée de gens de ma religion puisse contraindre un
nombre infini de catholiques à une conversion à laquelle, en un demi-siècle de
combat, ce nombre infini n’a pu réduire cette poignée ?
    C’était bien
dit, avec cette éclatante raisonnableté qui marquait les moindres propos de
Navarre, et encore que dans l’esprit de certains des serviteurs du feu roi, la
religion ne fût, se peut, que le voile qui masquait de plus égoïstes calculs,
et la poursuite, en les troubles du temps, de quelques très particuliers
intérêts, ceux d’entre eux dont la sincérité était moins dubitable, ne
faillirent pas à être ébranlés par la pertinence de cet argument. Ce que voyant
le roi, dont le regard clair scrutait tour à tour les faces qu’il avait devant
lui, il prit tout soudain un air grave et, quittant son ton

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