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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pétulant, si enjoué, si gai, si gaussant, si
plein d’esprit, et à toute heure et en tout lieu trouvant pour chacun le mot si
juste et si cajolant que je ne sais personne qui sût résister à son
irrésistible charme.
    Il demandait
avec des paroles aimables. Il réprimandait avec douceur. Il pardonnait avec
bonne grâce. Il louait délicatement. Cependant, ayant, comme j’ai dit, à juger
les hommes, une vivacité et une promptitude merveilleuses, et par-delà le
commun, il était défiant à l’extrême, pour avoir été si souvent trahi, et
attendant la trahison de celui qu’il caressait le plus, il ne fut jamais dupe
de personne, sauf toutefois des garces.
    Les deux mots
dont il usait le plus dans sa conversation ordinaire étaient raison et sagesse, et de raison et sagesse, il avait plus grande part
qu’aucun autre homme, hormis en ses amours qui étaient bien en sa vie la folie,
ou faiblesse, sans laquelle il n’eût pas été homme, mais Dieu. Quant à sa
parladure, encore qu’il ne soit pas sûr que Montaigne pensât à lui quand il
discourait sur le style qu’il préférait à tous, pour moi je retrouve le roi
tout entier dans la description qu’il en a faite : Le parler que j’aime
est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche, un parler
succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné que véhément
et brusque, déréglé, décousu, hardi, non pédantesque, mais militaire.
    Heureux,
certes, dans les combats, mais malheureux en sa matrimonie, le roi avait
l’infortune d’être sans reine, s’étant de prime éloigné de la reine
Margot – épine dans sa chair – pour ce qu’elle putassait, et l’ayant
à la parfin serrée en geôle pour avoir attenté de le faire empoisonner. Il en
souffrait un petit dans sa gloire, mais fort peu dans son cœur, étant atteint
d’une plus poignante navrure, née de la contrainte où il s’était encontré, sa
vie durant, de passer d’une religion à l’autre.
    Et puisque
aussi bien ses ennemis n’ont cessé de lui faire reproche des traverses et des
nécessités qui l’ont courbé à ces successives conversions, plaise à toi,
lecteur, de me permettre de ramentevoir, sinon à toi-même, du moins à nos
petits-enfants et à nos arrière-neveux ce qu’il en est de ce grief.
    Né catholique,
son père Antoine de Bourbon, adoptant la réforme, l’avait à six ans, converti
au protestantisme. Puis deux ans plus tard, revenant à la religion de ses
pères, cette tête folle d’Antoine avait obligé son fils, à coups de fouet, à
retourner à messe. Navarre avait huit ans. Un an plus tard, Antoine arquebusé
au siège de Rouen, s’étant par infantile forfanterie dressé debout sur le talus
d’une tranchée pour pisser, la mère de Navarre reconvertit son fils à la
religion réformée. Il avait neuf ans. Dix ans plus tard, à l’aube de la
Saint-Barthélemy, son beau-frère Charles IX le somma, le cotel à la gorge,
de choisir entre « la messe ou la mort ». Il avait dix-neuf ans. Il
choisit de vivre. Quatre ans plus tard, Navarre, prisonnier de fait de
Catherine de Médicis, au Louvre, s’évada de sa geôle dorée, retrouva les siens
et se reconvertit à leur religion. Il avait vingt-trois ans.
    De sa sixième
à sa vingt-troisième année, l’inexorable pression des circonstances l’avait
donc contraint à changer cinq fois de religion. Et ce jour-là que je conte en
ces présentes lignes, le 3 août 1589, roi depuis quelques heures à peine,
le voilà furieusement pressé par les uns de demeurer fidèle à sa foi huguenote
et par les autres de l’abjurer. Cependant, s’il y consent, ce ne sera rien de
moins que sa sixième conversion et qui la pourra croire sincère ? Étant
assurément la plus illustre victime de l’inouï encharnement des Églises dans le
trouble de nos temps, quoi que Navarre fasse ce jour d’hui, il est bien assuré
qu’on va de prime, et de part et d’autre, suspecter sa bonne foi.
    N’est-ce pas,
ami lecteur, une chose véritablement infâme que ce siècle, ayant exercé de
telles violences sur une âme, peuve ensuite, par un comble d’iniquité, lui en
tenir rigueur ?
    — Ha !
Sire ! disait Marmet, le ministre de la religion, en ce colloque que j’ai
dit, tandis que le roi, incapable de se tenir assis, sauf sur une selle de
cheval qui mouvait sous lui, marchait qui-cy qui-là dans la salle de son pas
nerveux de montagnard, pouvez-vous devenir catholique

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