Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
modérés, ou ceux qui, en leur prudence, attendaient la
décision des armes pour se déclarer.
    Le plus
insigne de ceux-là était Ameline, le curé de Montfort l’Amaury, qui fut la
première personne que j’encontrai dans la salle de mon logis, lequel s’étonnant
de me voir là, et moi, dans l’inspiration du moment lui cachant ma navrure (comme
je le pouvais bien faire, mon bras n’étant plus en écharpe) je lui dis que je
m’étais retiré dans mes terres pour ce qu’étant catholique, j’avais scrupule en
ma conscience à servir un roi huguenot, à tout le moins tant qu’il ne se
convertirait point. Le curé Ameline me loua d’autant plus hautement de ce
scrupule qu’il pensa deviner derrière lui la temporelle circonspection –
qui était aussi la sienne – à ne pas prendre parti trop tôt. Tant est que
par son truchement cette version de mon retour au Chêne Rogneux fut crue,
glosée, commentée et approuvée dans le pays à l’alentour, ce qui me mit, au
moins autant que l’étalement de ma force, à l’abri des surprises et entreprises
guisardes de tout le temps que je demeurais là.
    J’avais en mes
travaux refaçonné la grande salle de mon logis de manière à en faire la
réplique exacte de celle de Mespech, ayant bâti à chaque bout deux cheminées
qui se faisaient face, pour ce que, comme mon père, j’abhorrais l’idée de me
rôtir le devant en me glaçant le dos, et en outre, j’avais percé dans
l’épaisseur du mur un viret qui menait droit à l’étage en ma chambre et en ma
librairie, afin d’éviter le détour par ces vastes et froidureuses galeries qui
sont la plaie des châteaux construits par nos pères. Ayant observé à mon advenue
que Florine avait disparu par ledit viret, j’en conclus qu’elle allait prévenir
Angelina de ma présence, si bien que m’asseyant avec ma suite affamée autour de
la grande table du logis, où mes chambrières apportèrent incontinent viandes et
vins pour apazimer ces gorges sèches et ces dents aiguës, je m’attendais, vu
l’heure matinale, à une longue attente, m’apensant qu’Angelina ne voudrait
mettre le nez en si nombreuse compagnie qu’elle ne fût habillée de cap à pié,
et fus fort surpris, la porte du viret déclose par Florine, de la voir
apparaître en ses flottantes robes de nuit, le cheveu blond dénatté et répandu
à flots sur ses épaules nues. Quelque peu décontenancé qu’elle eût présumé se
montrer en cet appareil, et à notre domestique, et à des étrangers, et d’autant
plus béant que je connaissais mieux que personne sa native pudeur, je m’avisai
que seule sa hâte à me voir la devait sur ce point excuser, et me levant, je
lui souris, et m’avançai vers elle les deux mains tendues pour lui prendre les
siennes. Mais elle ne l’entendit pas ainsi, et se jetant dans mes bras, me
serra avec force dans les siens, tandis que poussant des soupirs et quasi des
gémissements, elle me baisa les lèvres à me couper le souffle. Ce qui certes
m’eût ému et troublé en notre chambre, dans le cocon de notre grande amour,
mais produisit un effet tout rebelute dans la compagnie où nous étions, me
laissant béant qu’Angelina se fût livrée si indiscrètement à ces transports
publics, saillant de la chaste réserve à laquelle elle m’avait accoutumé, et
cela dans le temps où elle eût dû montrer un esprit moins occupé des passions
terrestres et davantage des deuils qui l’avaient coup sur coup accablée.
    — Angelina,
lui dis-je à voix basse à l’oreille, qu’est-ceci ? Vous ne m’avez point
habitué à tant d’audace ! Retirez-vous, de grâce, en votre chambre, et ne
reparaissez, je vous prie, céans que vous ne soyez vêtue.
    À ces paroles,
prononcées d’une voix douce et basse, elle rougit et se troubla excessivement,
commença plusieurs phrases sans en finir aucune, et à la parfin se génuflexant
profondément devant moi, elle s’en fut, ou plutôt courut jusqu’au viret dans
lequel elle s’engouffra, sans se retourner, me laissant béant de cette
confusion, pour le moins aussi excessive que l’effronterie qu’elle avait
montrée. Car mon Angelina, toute bénigne et douce qu’elle fût, n’eût pas laissé
d’ordinaire passer une remontrance de ma bouche sans se rebéquer quelque peu et
tâcher d’y répliquer.
    Je m’en
retournai, songeard, à table partager selon l’us de Mespech, la repue de nos
gens, la frérèche n’ayant jamais voulu, en vertu

Weitere Kostenlose Bücher