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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’une certaine simplicité
biblique, que notre domestique mangeât ailleurs qu’avec elle. Et là, à ma
considérable surprise, je restai une grosse heure sans qu’Angelina reparût,
tant est que, soupçonnant qu’elle ne pouvait passer tant de temps à se vêtir,
je dépêchai aux nouvelles Florine, laquelle revint me dire sotto voce à
l’oreille que mon Angelina, en ses robes de nuit, sanglotait son âme sur sa
couche. Je fus béant que ma petite gourmanderie, prononcée si doucement, l’ait
pu dégondée au point de la faire s’amalir en bouderie et fâcherie :
déportement si étranger à mon Angelina que me levant de table, je montai à sa
chambre où, de vrai, ayant fermé l’huis sur moi, et poussé le verrou, je vis,
l’œil me sortant quasiment de l’orbite à ce spectacle incoutumier, mon Angelina
se rouler de dextre à senestre sur sa couche, pleurant à chaudes et amères
larmes, et tirant à poings furieux sur ses blonds cheveux épandus.
    — Mon
Angelina, dis-je, me jetant sur elle, la couvrant de mon corps, et la
saisissant aux poignets pour qu’elle cessât de s’écheveler, qu’est-cela ?
C’est folie ! Vous devez-vous mettre en si furieux chagrin pour quelques
petits mots ?
    — Ah
Monsieur, me dit-elle à mots entrecoupés et son parpal à demi nu soulevé de
convulsifs sanglots, je le vois, vous ne m’aimez plus ! Vous avez dû
encontrer en vos guerres quelque gouge jeunette et fraîchelette par laquelle me
voilà de présent repoussée dans les faubourgs et banlieues de votre bon plaisir :
À la première brassée, vous me rebéquez ! Vous me chassez de votre
vue ! Vous n’avez plus appétit à moi !
    — Mais,
mon Angelina, dis-je, béant de son irraisonnableté, voilà qui est fol !
J’ai blâmé votre appareil et votre déportement. Je n’ai pas repoussé vos
transports, si hâtifs que je les trouvasse, et si publics aussi, après les
deuils qui nous ont frappés.
    — Monsieur !
Monsieur ! dit-elle, se tortillant sous moi comme un serpent, devez-vous
me les ramentevoir si méchamment dans le moment où je tâche de les oublier dans
la liesse de nos retrouvailles ! N’est-ce rien pour vous que l’amour d’une
épouse ? Et le strident appétit qu’elle a de vous après tant de mois où
elle a affreusement langui, vous appelant à grands cris dans le vide de ses
nuits ?
    Ce langage si
nouveau chez mon Angelina m’eût déconcerté pas sa fureur, si le trouble qu’il
me donna m’eût laissé l’esprit clair, mais je vis bien que mon corps, obéissant
aux lascives invites qu’en même temps elle me prodiguait, n’allait pas tarder à
devenir mon maître, et le sien : à quoi je consentis bien qu’en doute,
mésaise et décontenancement devant tant d’inconvenantes nouveautés, me donnant
comme excuse qu’une fois son impudicité satisfaite, il me serait possible de
lui parler raison et de savoir d’elle la cause de ces bizarretés.
    Nos tumultes
apaisés, qui consumèrent bien la moitié du jour tant Angelina y mit un
enchantement qui n’était pas dans ses us, je tâchai d’en savoir plus long sur
l’infortunée intempérie qui avait emporté la pauvre Larissa. Mais Angelina
répéta mot pour mot ce qu’elle avait dicté dans sa lettre à Florine, et qui
plus est, elle le répéta, l’œil sec, sans battre un cil et là voix froidureuse.
    — Mais,
vramy, mon Angelina, dis-je au bout d’un moment, surpris au-delà de toute expression
de la voir si composée, comment allez-vous souffrir la pérenniale absence d’une
sœur qui était comme votre double ?
    À quoi, me
jetant tout soudain de côté un regard suspicionneux, elle dit en baissant la
paupière sur son bel œil de biche :
    — Mieux,
mon Pierre, que je n’eusse de prime pensé. C’est que Larissa, qu’assurément je
chérissais prou, me mettait par instants en grand doute d’être vraiment
moi-même, et de vous seule aimée, tant est que le moindre regard que vous
posiez sur elle me plongeait dans les tourments de la plus cruelle jaleuseté.
Il me semble que de présent je me sens désentravée de mon autre moi-même et que
je suis à la parfin la vraie, la seule Angelina !
    — Mais,
dis-je, ce discours m’ayant rendu fort perplexe et rêveux, si vous êtes dans ce
sentiment, d’où vient alors que vous mettez encore entre le menton et la
commissure de la lèvre ce point de pimplochement sous lequel Larissa
dissimulait sa verrue ? Puisque Larissa n’est plus, il

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