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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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indulgence pour les vices
qu’il ne pratiquait pas.
    Pour moi, en
ma longue convalescence, je fus heureux de retrouver sa pétillante compagnie,
Saint-Ange étant plus muet que carpe et Miroul, à ce que je vis, fort déquiété
de la tristesse de sa Florine à qui je vis plus d’une fois les larmes aux yeux,
sans qu’elle m’en voulût dire la cause.
    Il y avait
toujours eu tant de filial amour entre Fogacer et mon Angelina (encore qu’il
fût son aîné) et Fogacer, qui faisait volontiers avec elle l’enfant, éprouvait
tant de satisfaction à être par elle tancé, gourmandé et cajolé, et elle
baignait tant volontiers dans l’admiration sans limites qu’il lui vouait que je
m’attendais, dès son entrant, à voir refleurir entre elle et lui ce connivent,
subtil et intime manège qui m’eût porté ombrage, assurément, si Fogacer avait
été un homme d’une autre farine. Mais à ma grande surprise et déquiétude, mon
Angelina, loin de renouer avec Fogacer ce lien tout ensemble si fort et si
innocent, repoussa ses avances, ses agaceries et ses enfantillages du même air
suspicionneux qu’elle montrait à tous, et le parut englober dans la défaveur
dont elle enveloppait de présent le genre humain.
    Fogacer, qui
avec sa haute taille, ses bras arachnéens et les sourcils méphistophéliques qui
abritaient ses yeux railleurs, paraissait d’autant assuré de lui-même qu’il
l’était le moins en son for, se trouvant fait de cette étoffe sensible sur
laquelle les dents de la vie s’impriment profondément, se trouva plus navré
qu’il eût aimé l’avouer de ce froidureux repoussis, et je vis tant de fois son
œil noisette s’attarder, intrigué, songeard et penaud sur mon Angelina qu’à la
parfin, me promenant avec lui dans la forêt de Montfort l’Amaury, je présumai
de lui demander s’il ne la trouvait pas changée :
    — Changée !
dit-il levant son sourcil diabolique, c’est peu dire qu’elle ait changé !
c’est une autre femme. Mon ami, je vous le dis comme je le sens : je ne la
reconnais point. Elle qui fut si bénigne et piteuse, elle paraît tenir en haine
et suspicion le monde entier, se défier de tous, se clore à tous. En outre, si
à’steure elle retrouve par aventure son enjouement d’antan, aussitôt elle
s’enfonce d’autant dans la taciturnité, l’œil tantôt hagard et tantôt vide.
Parle-t-elle, elle tient des propos hautains et déprisants qui ressemblent bien
peu à la colombine bénignité de cœur qu’elle montrait jadis. En son domestique,
elle est souvent avec ses chambrières abrupte, injuste, injurieuse, voire même
brutale, et d’autant qu’étant possédée d’une sorte d’incohérence, elle leur
donne coup sur coup des ordres contradictoires.
    — Ha,
dis-je, Fogacer mon ami ! je suis infiniment soulagé de vous ouïr parler
ainsi, car je me suis demandé si, à la trouver si différente, je ne devenais
pas fol. Et à la parfin observant qu’elle ne voulait se défaire du point de
pimplochement que Larissa exigeait d’elle de son vivant sous le prétexte que
Larissa persistait à exiger sa continuation d’outre-tombe sous la menace de lui
rober son âme (superstition si grossière, et qui me parut si étrangement jurer
avec la douce raisonnableté de mon Angelina) j’ai, je dois dire, conçu quelques
doutes…
    — Mais
moi aussi, dit Fogacer en tressaillant violemment ; et baissant la voix et
jetant un coup d’œil sur le sous-bois à l’alentour il ajouta : Parlez, mi f i li, je sais quels sont ces doutes ! Parlez et puisse cela
vous conforter !
    À quoi étant
resté un long temps sans répondre, le nœud de ma gorge se nouant à me faire mal
et les mains que je tenais derrière mon dos se mettant à trembler, je dis à la
parfin :
    — Il
n’est nul besoin, mon ami, de préciser la suspicion que j’ai nourrie depuis mon
retour, puisque de présent force m’est de confesser que je ne peux
raisonnablement l’entretenir, tant de preuves contraires l’infirmant. Car j’ai,
depuis quinze jours, par des questions adroites sur notre passé, sondé Angelina
sur la connaissance qu’elle en a, touchant certains détails infimes, intimes et
quotidiens qui ne sont connus que d’elle et de moi, et à chaque fois elle a si
bien et si parfaitement répondu que je ne peux plus douter que j’ai bien devant
moi la femme qui les a vécus avec moi.
    — S’il en
est ainsi, dit Fogacer qui me parut mal persuadé par ces raisons,

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