La Violente Amour
me ramentois, Angelina s’encontrant exagitée,
fébrile et immensément déquiétée ne m’avait demandé un grain d’opium pour
s’ensommeiller, lequel, dès que je le lui administrai, fit sur elle l’effet
attendu. Et moi, la voyant à la lueur de la chandelle, endormie dans la tiédeur
de ses blonds cheveux, ses traits plus détendus et suaves que je ne les avais
vus depuis mon retour au logis, la pensée me frappa tout soudain avec l’inouïe
brutalité de l’évidence, que le moment ou jamais était venu de poser le doigt
sur son point de pimplochement, puisque mon attouchement ne saurait la
réveiller en raison de la vertu dormitive de l’opium, et que je pouvais donc
tenter l’expérience à son insu, et sans avoir à l’affronter ensuite en
l’insensé et convulsif déportement qui lui était maintenant coutumier, dès
qu’elle se cuidait haïe et rejetée. Même alors, dans le suspens de mon ultime
hésitation, et l’envisageant coite et quiète en le désordre de ses cheveux,
belle encore en son automne, l’épaule pleine, et le tétin rondi, je sentis
comme un malenconique renouveau de mon amour, laquelle ses folies, depuis mon
advenue céans, avaient quasiment tuée. Mais me réfléchissant que cette amour
était odieusement déméritée, si elle s’adressait, dans le fait, à une autre
qu’à elle-même, l’ire que j’en ressentis tout de gob me fit passer outre à mon
lâche attendrissement, et avançant doucement la main dextre, passai, non pas une
fois, mais trois ou quatre fois, le doigt sur sa mouche, et à mon inexprimable
soulagement n’y trouvai pas l’ombre, le début ni le commencement d’un relief.
Il me sembla
qu’un grand poids s’ôtait tout soudain de dessus mon poitrail et que pour la
première fois depuis que le doute s’y était glissé, se lovant à l’alentour et
petit à petit l’étouffant, je respirais enfin. C’était donc bien Angelina que
je voyais dans la lumière tremblante et jaune de la chandelle si quiètement
endormie, ses blonds cheveux épars autour de sa suave face, la paupière close
sur son œil noir et l’air tant innocent que dans la poivrière de la tour est de
Barbentane quand, dans l’éclat et la chasteté de ses vertes années, elle
m’avait sa foi baillée. Le cœur me toquant alors comme fol et passant de
défiance à fiance dans le temps d’un éclair, je voulus oublier les indécences
de son présent déportement et je cuidai retrouver dans cet oubli la force et
les délices de ma grande amour, à ce point atendrézi de ces retrouvailles
qu’approchant le bougeoir pour la mieux éclairer, je restais un si long temps à
la contempler qu’à la parfin se désommeillant de sa torpeur, elle ouvrit les
yeux et épiant dans les miens les sentiments qui m’agitaient, et qu’elle
n’avait guère eu l’occasion d’y lire depuis mon advenue céans, elle sourit sans
mot piper d’un air de triomphante liesse et nouant ses bras frais et ronds
autour de mon col, m’attira contre elle, comme si elle s’eût voulu écraser de
tout le poids de mon corps.
Le lendemain
de ce jour, chevauchant au botte à botte avec Fogacer dans la forêt de Montfort
l’Amaury, je lui dis ce qu’il en était.
— Ha !
dit-il, mi fili ! je suis fort heureux pour vous que la chose n’ait
pas été telle que nous l’avions craint, pour ce que si ces craintes s’étaient avérées,
je ne vois pas comment vous auriez pu vous extriquer et vous dégluer de cette
affaire. D’un autre côtel, faillant la sinistre hypothèse qui se trouve de
présent déprouvée, je ne sache pas qu’on peuve rendre compte à vues humaines du
grand bouleversement qui s’est fait jour dans l’humeur d’Angelina, lequel,
poursuivit-il en arquant son noir sourcil, sur son œil noisette, j’abhorre
d’expliquer par de surnaturelles raisons.
— Comme
vous savez, dis-je après m’être là-dessus un petit réfléchi, Angelina elle-même
m’a dit redouter que Larissa, morte, ne se glisse en elle et lui robe son âme…
— Cela,
je le nie tout à trac ! s’écria Fogacer avec force, en levant au ciel ses
bras arachnéens, c’est tout fallace, piperie et superstition que ces grossières
imaginations ! Il est de fait que la présente Angelina en son déportement
ressemble davantage à la défunte Larissa qu’à elle-même, mais je dis et déclare
me contenter d’en ignorer le pourquoi et récuser d’ores en avant toute espèce
et manière de magie,
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