La Violente Amour
vertes années eu nos culs fouettés de concert par le Bedeau sur
l’ordre du Chancelier Saporta lors de la rentrée de l’École de médecine de Montpellier.
Mais me réfléchissant que je ne pourrais l’interroger sur les symptômes du mal
qui avait emporté Larissa sans éveiller sa méfiance, ses soupçons et se peut,
être amené à lui faire part des miens, je ressentis tout soudain une telle
nausée à l’idée de remuer cette boue que je préférai renoncer à cet entretien.
Pour la même
raison, je tus à Fogacer l’éradication de la verrue de Larissa par celui que
Florine avait appelé le magicien et qui était, je suppose, quelque charlatan
colporteur de drogues, habillé d’un grand manteau noir étoilé et d’un chapeau
pointu pour séduire les chalands.
À mon
sentiment, et puisque aussi bien la justice serait à jamais impuissante à
démêler le ténébreux écheveau de cette affaire, moi-même y ayant failli, mieux
valait l’enfouir sous le silence. Si je le romps en ces Mémoires, c’est pour me
justifier de l’accusation méchante que mes ennemis (qui sont aussi ceux de mon
roi) ont sur moi répandue, affirmant malicieusement et mensongèrement que
j’avais quasi abandonné mon épouse en ma seigneurie, où elle serait avec ses
enfants quasi morte de faim sans le secours de ses bons voisins. Il en est de
cette fallace comme de bien d’autres qui s’accréditent dans la cervelle des
ignares et des fols. Mes enfants à ce jour sont beaux et florissants sans que
l’aide d’un père leur ait jamais failli, et quant à Angelina, elle n’a manqué
d’aucune des commodités de la vie, et n’en manquera d’aucune, tant que je serai
vif.
Cependant,
pour revenir à ces temps si aigres et tracasseux pour moi, les piliers noirs
ayant succédé aux piliers blancs dans le portique de ma vie, dès qu’Alazaïs fut
arrivée du Périgord, portant les dix commandements de Dieu écrits sur sa large
et forte face, je pris congé de Madame mon épouse et rassemblant ma suite fis
sonner le boute-selle, ayant à l’esprit de rejoindre au plus tôt les armées du
roi pour m’y bien battre et m’y faire bien tuer.
CHAPITRE V
Je quittai le
Chêne Rogneux le jour que j’avais dit, mais ne rejoignis point cependant tout
de gob les armées du roi, pour ce que d’un côtel, mon bras, bien que la plaie
fût curée et cicatrisée, n’était point encore en état de porter une épée, le
muscle s’encontrant atténué et l’articulation, en ses branles, restreinte et
circonscrite. D’un autre côtel, j’avais ouï sur mon département, que mon père
ayant lui aussi été navré au service du souverain dans le gras du mollet, se
refaisait santé à Mespech.
Concevant
alors le propos d’aller avec lui me conforter en son nid crénelé, j’allais de
prime quérir M. de Saint-Ange à Chartres, où je trouvai ses parents sains et
gaillards, sur quoi je le taquinai quelque peu quant à ce qu’il m’en avait dit,
mais voyant son œil bleu, à mes gaussants reproches, s’assombrir, je lui donnai
une forte brassée et cent poutounes, en lui disant à l’oreille que j’entendais
bien les raisons pour lesquelles il avait fui le Chêne Rogneux, et que je ne le
retenais en aucune guise, contre lui, bien le rebours, le tenant en
l’occurrence pour aussi innocent qu’un nouveau-né. À quoi il rougit
excessivement, mais sans mot piper. Et moi, le quittant pour aller avec Miroul
ameuter nos gens qui s’étaient égaillés en la ville, qui appétant au vin, et
qui aux filles, je m’apensais que sur ce chapitre-là, justement, j’aurais un
jour à prier le Seigneur qu’il fît de son mieux pour que Saint-Ange tombât,
pour convoler, sur une bonne garce : sans cela, sa belle tête, faite comme
elle était, le pauvre beau sire pâtirait prou.
Ayant fait ce
détour par Chartres, j’en fis un autre par Châteaudun : ma belle lectrice
devine bien pourquoi. Mais si mes morales meurtrissures avaient rêvé d’être
pansées par une main suave, ce rêve ne fut fait que de l’étoffe insubstantielle
des songes. Je ne trouvai pas la belle drapière dans les dispositions où je
l’avais quittée, ses beaux yeux mordorés – les plus beaux et les plus
grands du monde – ne versant plus sur moi qu’une lumière fort chiche,
ayant trouvé, à ce que j’entendis, dès les premiers mots, un autre paysage à
éclairer. En bref, à ce qu’elle me dit à la parfin en notre très
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