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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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épouser ou ne pas épouser Charlotte, il ne pouvait qu’être malheureux,
n’ayant le choix qu’entre le déshonneur et la persécution.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, que je vous parle enfin à la franche
marguerite : je suis fort mécontente de vous.
    — De moi, belle lectrice ? Et que vous ai-je
fait ?
    — Vous me faites languir : pourquoi ne pas me dire
tout de gob ce que Condé décida ?
    — C’est que l’affaire est plus compliquée qu’il ne
semble. Les démêlés du Roi et de Condé au sujet de Charlotte ont toutes les
apparences de la petite Histoire, et pourtant, par une coïncidence des plus
singulières, cette intrigue de cour se trouva liée de façon indissociable à une
crise diplomatique, et l’issue de cette crise – une des plus graves que ce
siècle ait connues – n’était rien moins que la guerre ou la paix pour des
millions de gens. Madame, avez-vous ouï parler de Clèves ?
    — Le nom m’est familier.
    — C’est une ville en Rhénanie, proche de la Hollande.
Elle a donné son nom à un duché sur lequel régnait alors un aimable prince
allemand, Jean-Guillaume le Bon.
    — Cela commence comme un conte de fées.
    — Mais aucune fée allemande ne présida aux destinées de
ce prince. Si bon qu’il fût, Jean-Guillaume le Bon ne put réaliser son vœu le
plus cher : assurer sa succession. Il mourut sans enfant le 31 mars
1609 ; soit vingt-neuf jours après les fiançailles du Prince de Condé et
de Charlotte de Montmorency dans la grande galerie du Louvre.
    — Les deux événements sont-ils liés ?
    — Ils ne le sont pas encore, mais ils vont l’être. Plus
exactement, les conséquences de l’un vont rejoindre les conséquences de l’autre
et l’ensemble sera infiniment périlleux pour la paix de l’Europe.
    — À votre air grave, je sens que nous allons revenir à
Clèves. Clèves, le nom est fort joli ! Il me semble avoir ouï d’une
princesse de Clèves…
    — Oh ! Madame, des princesses de Clèves, il y en a
eu plus d’une au cours des siècles ! Une, entre autres, dont
Henri III fut, en ses jeunes années, amoureux, preuve qu’il n’était pas
alors aussi bougrement bougre qu’il le devint ensuite. Revenons à Clèves, telle
qu’elle fut au moment où Jean-Guillaume le Bon mourut sans enfant. L’Europe
entière attendait depuis longtemps ce décès et l’aimable prince était encore
chaud sur son lit de mort que déjà les prétendants s’abattaient sur sa
succession, aussi nombreux que des mouches sur un morceau de sucre. Mais trois
seulement étaient sérieux : l’Électeur de Brandebourg, l’Électeur de
Neubourg, et l’Électeur de Saxe. Les deux premiers étaient luthériens, amis et
alliés d’Henri IV, lequel ne pouvait qu’il ne soutînt leurs prétentions.
Le troisième était ami et allié de la maison d’Autriche.
    — Si je vous entends bien, deux grands royaumes
allaient donc se couper la gorge pour un petit duché ?
    — Petit, mais stratégiquement important, car il se
trouvait proche de la Hollande, autre alliée protestante d’Henri IV, que
la maison d’Autriche avait si longtemps et si âprement combattue. Raison pour
laquelle Henri IV avait déclaré de longue date qu’il ne tolérerait pas
qu’un prince allié de l’Autriche s’installât à Clèves. Et quant à l’Autriche,
il allait sans dire qu’elle ne souffrirait pas davantage qu’un prince allié de
la France prit possession de Clèves.
    — C’est donc la guerre !
    — Pas encore. Disons que les ambassadeurs des deux
camps en sont encore à gronder et à se montrer les dents comme deux chiens qui,
avant de se jeter l’un sur l’autre, tâchent de s’intimider. Mais il est de fait
que le baril de poudre est maintenant fort proche d’une mèche allumée.
    — Et Condé serait cette mèche ?
    — Pas encore, Madame ! Clèves, la maison
d’Autriche, les intrigues espagnoles sont alors loin, bien loin, de sa pensée.
Le petit prince souffreteux, mal fait, dont le nez bizarrement en bec d’aigle
n’évoque en rien le nez long et courbe des Bourbons, tâche de défendre son
honneur de prince du sang, lui dont le sang est si douteux. Mais la pression
quasi quotidienne d’Henri alternant menaces et promesses dans des scènes
furieuses, et lui coupant les vivres, est si tyrannique qu’il cède. Il épouse
Mademoiselle de Montmorency le 17 mai, à Chantilly.
    — Il a donc capitulé ?
    — Non, Madame. Il continue la

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