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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se présenta en ses
robes de nuit, ses longs cheveux blonds dénoués sur ses épaules nues et elle
resta là, sereine et immobile, l’ombre d’un sourire jouant sur ses lèvres. Ses
yeux bleus, que la lueur des torches éclairait, regardaient droit devant elle,
comme une déesse trop haute dans l’Olympe pour s’apercevoir que des hommes à
ses pieds l’adoraient.
    « Le Roi avait un bras passé par-dessus mon
épaule : circonstance heureuse ! Sans cela, sous le choc que lui
donna la beauté offerte à ses yeux, il serait tombé, se pâmant plus qu’à demi,
lui qui avait vu tant de batailles et tant de sang. Bellegarde, à sa gauche, s’aperçut
de sa faiblesse et, se rapprochant, lui saisit le bras pour le soutenir de ce
côté. Je considérai le Roi. Il me parut fort pâle à la lumière des torches, les
paupières cillantes. Quand je levai les yeux de nouveau, la belle avait
disparu, les torches n’éclairaient plus que le vide. Puis après un temps elles
disparurent à leur tour et la nuit se fit.
    « Le lendemain, j’eus l’occasion de voir seul la
Princesse et je lui demandai ce qu’elle pensait de cette muette entrevue. Elle
eut un demi-sourire et dit avec un petit haussement d’épaules : « Mon
Dieu, qu’il est fou ! »
     
    *
    * *
     
    — Elle, en revanche, n’est point folle, dit mon père
quand Bassompierre fut parti.
    — Mais, mon père, devons-nous croire tout ce que
raconte notre ami ? Ce portrait peint en catimini, cette toile enduite de
beurre, cette apparition sur le balcon entre deux torches sur le coup de
minuit, la demi-pâmoison du Roi, ne sont-ce pas là autant d’inventions
romanesques nées de sa féconde cervelle ?
    — Nullement. Tout ce que Bassompierre a inventé, c’est
un petit personnage appelé Bassompierre, qu’il fait trotter devant lui, et dont
les affectations l’amusent en nous ébaudissant. Mais Bassompierre ne ment pas.
Pas plus, de reste, qu’il ne triche au jeu.
    — Mais d’un autre côté, dis-je, devons-nous croire la
Princesse, quand elle affirme qu’après son mariage elle est pucelle comme
devant ? N’est-ce pas un monde à avaler ? Il me semble que, si
j’avais été Condé, je me serais rué sur elle dès le soir du mariage pour l’engrosser,
fût-ce même de force, ne serait-ce que pour faire pièce au Roi.
    — Testebleu, Monsieur, comme vous y allez ! dit
mon père, mi-figue, mi-raisin.
    Mais La Surie, lui, rit à grand éclat, ou comme il aimait
mieux dire, « à gueule bec ».
    — Mais vous n’êtes pas Condé, mon beau neveu !
dit-il. Tant s’en faut ! À huit ans, vous baisiez le bras nu d’une fille
de bonne maison ! Et à douze ans, on se hâta de vous séparer de votre sœur
de lait tant on craignait le pire !
    Mon père haussa les épaules.
    — De toute manière, quoi qu’en dît la Princesse,
comment la croire ou la décroire sur ce point ? Ce sont là secrets de
femme. Nul ne peut y aller voir, sauf le mari, et celui-là y paraît peu
intéressé. À mon sentiment, la Princesse eût fort déçu le Roi, si elle n’avait
pas dit ce qu’elle a dit à Bassompierre, à seule fin qu’il le répétât à Sa
Majesté.
    Il fit cette remarque sur le ton de quelqu’un qui désirait
mettre un terme au débat, pour ce qu’il jugeait qu’il tombait dans le frivole.
    Je l’entendis ainsi et je gagnai ma chambre pour reprendre
ma lettre à ma Gräfin, que j’avais laissée inachevée à l’arrivée de
Bassompierre. Je lui eusse écrit tous les jours si mon père ne m’avait
représenté que c’était là le plus sûr moyen de la compromettre. Sur son
conseil, j’avais dû me contenter de deux lettres par mois. Et pour me donner
l’impression qu’en les écrivant je ne dérobais pas trop de temps à mes études,
je les rédigeais en allemand. Il me semblait aussi, me ressouvenant de ses
derniers mots, que c’était là une façon de lui laisser entendre les sentiments
que je ne pouvais lui dire en clair, mes missives, venant de France, courant
quelque chance d’être ouvertes à Heidelberg avant de lui être remises. Ulrike
me répondait lettre pour lettre. Les siennes étaient longues et minutieuses et
après correction de mes fautes d’allemand, pleines de détails sur sa vie à
Heidelberg, et si prudentes que je n’y pouvais trouver trace d’une affection
tendre à mon endroit, sinon dans leur longueur même.
    Superbement attifuré et un collier de senteur passé autour
du cou, le Roi

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