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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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notre
« chambrifime », laquelle était si peu garnie de meubles que pour n’y
point rester debout dans la journée, force nous était de nous étendre sur trois
matelas de crin posés à même le sol. Ce luxe nous coûta un écu et mon père en
grinça des dents. Mais mieux valait encore ce galetas, obtenu au surplus non
sans prières, que de coucher recroquevillé dans son carrosse, comme faisaient
tant de dames et seigneurs qui émergeaient le matin de ce gîte incommode, leurs
beaux atours tout froissés après une nuit sans sommeil. Je compte quasi pour
rien l’ennui et la sueur de l’interminable cheminement de Paris à
Fontainebleau, où il nous fallut comme tout un chacun rouler au pas, nos
chevaux butant du chanfrein sur l’arrière du carrosse qui les précédait.
    — Mais le moyen de faire autrement ? dit mon père,
tandis qu’allongés, chacun sur son matelas de crin, nous tâchions, dans le jour
finissant, de reposer nos dos endoloris par les cahots de la route. Le Roi ne
nous eût jamais pardonné notre absence. Il tient ce mariage pour la plus
brillante réussite de sa diplomatie familiale et il est de fait qu’il lui
fallut des années pour le mener à son terme.
    — Des années, Monsieur mon père ?
    — Oui-da ! Et quels efforts pour établir ce fils
bâtard ! Henri est bon père, je n’en disconviens pas. Aussi bon père que
mauvais époux, reprit-il après un silence où il me parut faire sur soi quelque
retour. Mon fils, vous étiez encore un enfantelet fort vagissant dans les bras
de Greta quand, après la prise de Paris, le Roi se présenta avec une armée
devant la ville de Rennes : le Duc de Mercœur avait profité de nos guerres
civiles pour ériger la Bretagne en duché indépendant au grand dam et dommage
des Bretons qu’il avait volés, pillés et rançonnés. Henri, toutefois, n’eut
qu’à paraître. Le Duc fit sa soumission, reçut, en compensation, un million de
livres, mais s’engagea à marier sa fille, alors fillette, à l’aîné des bâtards
du roi, le Duc de Vendôme.
    — Habile combinazione, mon beau neveu ! dit
La Surie. Le million de livres, et plus encore, ayant de grandes chances de
revenir, sinon au Roi, du moins à son fils, Mademoiselle de Mercœur devant
hériter d’une énorme fortune amassée par les moyens qu’on a dits.
    — J’ajoute, dit mon père, qu’à l’issue de ce
maquignonnage, contrat fut dressé où tout fut prévu, y compris un dédit de cent
mille écus au cas où Mercœur faillirait le moment venu à donner sa fille à
Vendôme. En 1602, Mercœur mourut, mais six ans plus tard, sa fille devenue
pucelle pucelante, et convoitée par le monde entier, refusa tout net Vendôme
sans avoir jeté l’œil sur lui, se retira au couvent des Capucines et menaça de
prendre le voile, si on voulait la contraindre à cette union.
    — Et pourquoi cela ? dis-je.
    — On ne sait. Se peut qu’elle ne voulait pas épouser un
bâtard, fût-il royal. Mais Henri, lui, soupçonna une manœuvre de la Duchesse de
Mercœur pour soustraire ses pécunes à son futur gendre, la dame étant, quoique
archidévote, plus avaricieuse, chiche-face, pleure-pain et pincemaille
qu’aucune fille de bonne mère en France.
    — J’ai ouï sur son compte un conte affreux, dit La
Surie, assez content de son giòco.
    —  Vous l’avez ouï de moi, dit mon père. Et moi,
je l’ai ouï de la Duchesse de Guise qui fut témoin de cette vilenie. La pauvre
Gabrielle d’Estrées étant à l’agonie, la Duchesse de Mercœur s’approcha de son
lit et tout en faisant mine de lui prodiguer les consolations de la religion,
elle enlevait en tapinois à la mourante les riches bagues qu’elle portait aux
doigts. Par bonheur, on s’aperçut de son odieux manège et on lui fit dégorger
son butin.
    — Dans quel monde vivons-nous, mon Dieu ! dit La
Surie, en contrefaisant le dévot.
    — Où en étais-je ? dit mon père. J’ai une faim de
loup et elle me trouble d’autant plus les méninges que je sais d’avance qu’elle
ne sera pas satisfaite par cette hôtesse d’enfer.
    — Vous disiez, mon père, que le Roi tempêta, quand
Mademoiselle de Mercœur se retira au couvent.
    — Je n’ai rien dit de ce genre mais, en fait, il le
fit. Et il exigea de la Mercœur, en plus des cent mille écus de dédit, des
dommages et intérêts de deux cent mille écus.
    — Le bon d’être roi, dis-je, est de pouvoir tripler les
dédits prévus dans les

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