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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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contrats.
    — Et sais-tu, mon neveu, quel est, d’après le Prince
des Sots, le mauvais d’être un roi ?
    — Nenni.
    — C’est de manger seul et de chier en public.
    — Miroul, dit mon père, si la Marquise de Rambouillet
se trouvait céans, sa délicatesse serait offensée par cette gaillardie.
    — Si la Marquise de Rambouillet se trouvait céans, dit
La Surie, son tendre derrière serait offensé par ce matelas de crin.
    — Fi donc, Miroul ! dit mon père.
    — Mais je ne fais que dire ce que je sens, dit La
Surie, en plus d’un grand creux au gaster. J’ai tant faim que je mangerais
l’hôtesse, tant mamelue, fessue et poilue qu’elle soit.
    — Et comment, mon père, finit cette grande picoterie
entre le Roi et la Mercœur ?
    — Le Roi lui dépêcha le père Cotton. La Mercœur ne put
résister à sa suavité jésuitique et sa fille pas davantage, surtout quand le
père lui promit qu’elle aurait des fleurs de lys sur sa robe de mariée comme
une fille de France. Grande ire chez les princes du sang ! En particulier
chez le Comte de Soissons !
    — Et pourquoi diantre ? dit La Surie.
    — Je peux répondre à cela, dis-je, vu qu’au bal de la
Duchesse de Guise j’ai ouï le Comte, à ce sujet, meugler et mugir à déboucher
un sourd. Le Duc de Vendôme étant bâtard, le Comte trouvait exorbitant que sa
future épouse portât, comme la sienne, des fleurs de lys sur sa robe.
    — Le Comte fit mieux, dit mon père. Il alla trouver le
Roi et, ne le pouvant décider à priver la petite Mercœur de ses fleurs de lys,
il lui demanda, pour sa femme la Comtesse, une rangée supplémentaire desdits
emblèmes… Le Roi ne fit qu’en rire et le Comte de Soissons, s’ôtant de la cour,
s’alla bouder dans une de ses maisons.
    — Nous ne le verrons donc pas au mariage, dit La Surie.
Un rang supplémentaire de fleurs de lys ! Cornedebœuf, que ce Grand est
donc petit !
    — Mais nous verrons, se peut, la Princesse de Condé,
dis-je, et je gage qu’elle y brillera de tous ses feux.
    — Mon beau neveu, vous connaissez le proverbe
périgourdin : «  La beauté se lèche, mais ne se mange pas. » Et, jour de Dieu, que mon estomac se creuse !
    Ce creux ne fut apaisé ni ce soir-là par un maigre souper,
ni le lendemain par un chiche déjeuner et, à dire le vrai, il se creusa
davantage encore lors de cet illustre mariage et, chose extravagante, par la
faute des dames. Que je les nomme en ces Mémoires afin que, si ces lignes un
jour leur tombent sous les yeux, elles éprouvent, se peut, quelque petit
remords d’avoir fait pâtir tant de leurs semblables de male faim. Les
voici : la Reine ; la Duchesse de Mercœur ; sa fille, Françoise
de Mercœur, la future épousée ; la Duchesse de Montpensier ; ma bonne
et scintillante marraine, sa terne bru, la petite Duchesse de Guise, ma
demi-sœur, la belle Princesse de Conti ; la Princesse douairière de Condé,
celle qu’on avait accusée d’avoir empoisonné son mari ; la Duchesse de
Rohan ; la Duchesse d’Angoulême, belle-sœur du Connétable ; et enfin,
que je la nomme en dernier, bien qu’elle ne fût pas la moindre, puisqu’en ce
juillet torride, elle bouleversa le Roi par sa seule présence : la
Princesse de Condé.
    Le lecteur a observé, sans doute, qu’en cette illustre
compagnie, on ne descend pas au-dessous de la couronne ducale ni du manteau, si
lourd aux épaules, qui va de pair avec elle. Vramy, quand je vis enfin paraître
les dames, ma rancune à leur égard fondit et je les plaignis de tout mon
cœur : il faisait si chaud !
    Leur faute demeure pourtant. Et ce fut grand’pitié, car tout
avait été si bien prévu et pourvu. La messe de mariage avait été fixée à midi
et un quart d’heure à l’avance, le Roi, plus étincelant de soie, de perles et
de pierreries qu’aucun des Grands (mais il savait déjà, depuis la veille, que
la Princesse serait là) arriva devant la chapelle, suivi du Prince de Condé,
sombre et fermé, du Prince de Conti, sourd, bègue et à demi stupide, du Duc de
Vendôme que son mariage était bien loin d’ébaudir, et des ducs et pairs avec
couronne et manteau, mais je ne vais pas les énumérer tous, cette énumération
serait sans objet puisqu’ils étaient là, ponctuels, polis et renfrognés, car
lequel d’entre eux n’eût pas voulu marier son propre fils à Françoise de
Mercœur ? Elle était si riche ! Et le Roi, comme à son ordinaire,
raflait

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