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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’Estoile, ces fols,
quand ils sont en autorité, peuvent mettre toute une province à feu et à sang.
À Orléans, deux cents gentilshommes huguenots étaient déjà montés à cheval pour
empêcher le prévôt des maréchaux de déterrer la huguenote dont les os
menaçaient de souiller la glèbe catholique. Et si le Roi n’avait pas envoyé, à
la dernière minute, des troupes pour empêcher la rencontre, un certain nombre
de combattants, tant protestants que catholiques, auraient rejoint ce jour-là
sous terre l’infortunée demoiselle. La haine est une folie contagieuse. Et plus
les mensonges qu’elle inspire sont énormes, plus ils ont de la chance d’être
crus. Le sermon savant qu’un père jésuite va prononcer en chaire va trouver un
prolongement insidieux dans les fables grossières dont les sacristains se
chargent de nourrir les oreilles du peuple. Mes chambrières et valets croient
dur comme fer que les huguenots, à Noël, vont se livrer à Paris à une grande
Saint-Barthélemy des catholiques.
    — Nos gens le croient aussi, dit mon père. J’ai arrêté
céans la propagation de cette fable inepte, mais la fable elle-même couve
toujours dans les esprits et continue de les empoisonner.
    — Quant à moi, dit La Surie, ce qui m’afflige le plus,
c’est qu’on n’ait jamais si mal parlé du Roi, que ce soit dans les chaumières,
les boutiques ou les hôtels de la noblesse.
    — Mais à cela, dit Pierre de l’Estoile qui, tout
soudain se souvint qu’il était un bourgeois étoffé de Paris, s’il y a de
mauvaises raisons, il y en a aussi de bonnes. Et parmi celles-ci, outre la
paillardise de sa vie privée, je nommerais la principale : afin de racler
des pécunes pour sa guerre future, le trésor de la Bastille ne lui suffisant
pas, le Roi multiplie les édits et ces édits pèsent lourd, très lourd sur les
marchands et les rentiers.
    De cette même cloche, j’eus un écho vibrant, dès le lendemain,
quand Toinon vint derechef nous visiter.
    Mon père et La Surie n’étaient point au logis. Et ma sieste
étant juste achevée, Louison retournée en sa chambre, je remettais
haut-de-chausses et pourpoint quand Franz toqua à mon huis et me dit qu’à défaut
de mon père, Toinon me voulait voir, l’affaire étant urgente.
    Au premier regard, j’entendis bien sur quel pied elle
s’allait tenir avec moi, car elle était toute révérence et réserve et me
donnait du « Monsieur le Chevalier » à chaque phrase, me glaçant par
son respect. D’évidence, bien révolus étaient les temps où elle m’appelait
« mon beau mignon » en ocoucoulant sa tête dans le creux de mon
épaule.
    Sot que je suis, j’en eus d’abord le cœur serré. Mais me
réfléchissant qu’elle montrait là plus de sagesse que moi, je me résignai à
vider mon cœur et mon corps de leurs plus chères remembrances et à regarder
Toinon d’un autre œil, si je pouvais.
    — Monsieur le Chevalier, dit-elle après qu’à ma prière
elle se fut assise, j’eusse voulu donner un million de mercis à Monsieur le
Marquis pour avoir pris langue à mon sujet avec Monsieur le lieutenant civil,
car son intervention fit merveille. Monsieur le lieutenant civil fit dégorger
le bassin à ses commissaires et me rendit le montant de l’amende.
    — J’en suis fort aise pour toi, Toinon, dis-je d’une
voix ferme et je ne faillirai pas à transmettre tes mercis à mon père.
    Mais trouvant que j’avais mis, se peut, un peu trop de
froideur dans cette phrase, j’ajoutai plus doucement :
    — Te voilà contente, j’imagine ?
    — Hélas, Monsieur le Chevalier, dit-elle en secouant sa
jolie tête, quand notre bourse se remplit d’un côté, elle se vide de l’autre.
C’est tout juste l’histoire de ce tonneau dont vous m’aviez parlé du temps où
je vivais céans.
    Sur ce « céans », il me sembla que, sans le
vouloir, elle battit un peu du cil, mais cela se fit si vite que je doutai,
après coup, avoir discerné ce battement.
    — Monsieur le Chevalier, reprit-elle, vous avez sans
doute ouï parler de tous les édits dont le Roi, à s’teure, nous accable, lesquels
sont mauvais en eux-mêmes et plus mauvais encore en leur application, car le
Roi, pour avoir ses argents tout de gob, les afferme à des partisans, lesquels
nous plument ensuite comme volailles. Mais le pire, Monsieur le Chevalier, le
pire, c’est que le Roi s’est mis en tête de décrier les monnaies du royaume…
    — Les décrier ?

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