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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Prince.
« Voilà bien encore de vos fantaisies ! grommela le Roi. Quelle
apparence y a-t-il qu’il s’en aille, lui qui ne peut vivre sans mon
aide ? » Il ne vint pas à l’esprit du Roi, plongé en ses folies, que
l’Espagne, si elle estimait Condé utile à ses desseins, pourrait prendre le
relais de ses pensions.
    Le péril n’était pourtant que trop réel. Le premier prince
du sang, que son rang plaçait immédiatement après le Roi, était un personnage
de grande conséquence dans l’État et qui – comme autrefois le Duc de
Guise – pourrait prendre la tête d’une rébellion intérieure qui serait,
pour l’Espagne, une aide des plus précieuses dans la guerre qui se préparait.
Ce fut alors que, pour la première fois, mon père et moi eûmes le sentiment que
cette intrigue avec la Princesse pouvait véritablement déboucher sur une
affaire d’État.
    Pierre de l’Estoile, qui vint dîner avec nous par une
froidure trop vive, nous apporta un autre sujet de préoccupation.
    Notre ami nous parut bien vieilli, et tout déconsolé de
l’être, courbé, cassé, la lippe amère, tout ensemble paillard et moralisateur,
grand dénonciateur, en bon gaulois, des abus du temps, mais en même temps, fort
curieux de ces abus mêmes et promenant partout, comme un chat, ses moustaches
sensibles et ses yeux épiants. Il nous apprit le décès en couches de la jeune
Baronne de Saint-Luc, la « beauté touchante » qui avait eu la
gentillesse de m’accorder une danse lors du bal de la Duchesse de Guise. Elle
était la sœur cadette de Bassompierre et il fut au désespoir de sa disparition,
nourrissant pour elle, depuis l’enfance, la plus tendre amour. À cette
occasion, j’allai le visiter en son hôtel avec mon père, et je trouvai un monde
de différences entre le pâtiment muet dont il était saisi et la douleur
rhétorique qu’il avait manifestée quand Charlotte de Montmorency l’avait quitté
« sur un haussement d’épaules ».
    Cette mort lui ayant fait penser à la sienne, qu’il croyait
proche, étant âgé de soixante-trois ans, Pierre de l’Estoile répéta d’un air
funèbre son propos coutumier : « Il était si fort travaillé de ses
péchés qu’il redoutait de mourir à la mort et craignait de vivre à la
vie. »
    — De reste, ajouta-t-il, je ne serais pas fâché de
quitter ce monde d’iniquités où d’aucuns, réclamant bien haut la mort de leurs
frères au nom du Dieu de pardon et d’amour, travaillent à nous replonger dans
nos guerres civiles.
    — Mon ami, dit mon père, tenez-vous pour sûr qu’il y
ait à s’teure, contre les huguenots, une recrudescence des persécutions ?
    — Assurément. Les prêtres ne peuvent pas supporter que
le Roi s’allie à des États protestants pour faire la guerre à des États
catholiques : l’intérêt de l’Église leur cache à plein l’intérêt du
royaume. En conséquence, les criailleries des prêchaillons se multiplient et
plus elles deviennent stridentes, plus elles agitent les fidèles et, parmi
ceux-ci, en premier lieu les cervelles faibles, folles et fanatiques. En
voulez-vous un exemple ? Le Comte de Saint-Pol, qui se croit tout-puissant
à Caumont, parce que c’est sa ville et qu’il est le cousin du Roi [58] , vient de chasser les protestants de
leur temple, a occupé ledit temple, mis en morceaux la chaire du ministre et
fait de ce lieu du culte une écurie pour ses chevaux. À Orléans, les messieurs
du Parlement, l’évêque n’y étant que trop consentant, ont donné l’ordre au
prévôt des maréchaux [59] de
déterrer une demoiselle de la religion réformée, parce que, selon eux, on
l’avait inhumée trop près des catholiques… Quant au cardinal de Sourdis, il
multiplie à Bordeaux les exactions contre la religion réformée, fait battre
comme plâtre des huguenots, qu’ils soient ministres ou gentilshommes, et lui
aussi viole les sépultures.
    — Sans doute cela ne laisse pas d’être fort inquiétant
pour la paix civile, dit mon père. Toutefois ce ne sont là que des excès dus,
comme vous avez si bien dit, à de faibles cervelles. Il est bien connu que le
Comte de Saint-Pol a l’esprit aussi bouché que les oreilles. Quant au cardinal
de Sourdis, il a les méninges si déréglées qu’on n’a pas craint de dire de lui
en cour de justice qu’au lieu de la calotte rouge du cardinal, on devrait lui
mettre sur le chef le chapeau vert des fous.
    — Toutefois, reprit Pierre de

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