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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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gens qui en ont marre…
    – Je vais me coucher. Viendrais-tu faire
un massage de pieds ou de dos à une pauvre petite suppléante qui a été forcée
d’attacher sa ceinture un trou plus loin aujourd’hui ?
    Lorsque Côme la rejoignit, à peine dix minutes
plus tard, elle était profondément endormie, sa peluche de petite fille dans
les bras.
    Il ne fallut même pas douze heures pour que
panique et rumeurs envahissent les couloirs de l’école. Le directeur convoqua
tous les professeurs à une réunion ad hoc pour discuter de l’enlèvement.
Demandant discrétion et prudence, il osa interroger son corps professoral pour
savoir si quelqu’un était au courant de quelque chose.
    – Au courant de quoi ?
    – De quelque chose. Une personne, par
exemple, qui aurait parlé d’actions subversives dans une soirée ou une
rencontre.
    – Êtes-vous sérieux ? Ce n’est pas
le genre de monde qu’on connaît !
    Élise était outrée et sa retenue s’était
évanouie. Comment pouvait-on soupçonner des instituteurs d’actions aussi
violentes ?
    – Peut-être plus qu’on ne le pense. Le
Parti québécois a quand même fait élire sept députés en avril dernier.
    – Et puis ?
    – Il y a peut-être un lien. Je vous
demande de réfléchir.
    – Parce que ceux qui ont voté pour le
Parti québécois sont des gens qui peuvent être subversifs ? Où est-ce que
vous voulez nous emmener, Clément ?
    Élise se leva promptement.
    – Vous m’excuserez, mais j’ai des animaux
à nourrir et des corrections à faire.
    Là-dessus, elle prit ses effets, et elle
s’apprêtait à sortir lorsque Clément lui demanda de se rasseoir.
    – Pas avant qu’on ait précisé notre ligne
de conduite.
    – Ma ligne de conduite, Clément, sera de
me souvenir qu’on est dans une école primaire, ici. Pas en sciences politiques
à l’université.
    – Vous ne voulez pas qu’on en
parle ?
    – Ce serait une autre affaire Lindbergh
que j’en parlerais, parce que ça impliquerait un enfant et que c’est mon devoir
d’enseigner la prudence. Là, je n’ai rien à dire. Je n’ai pas envie d’enseigner
la délation, je n’ai pas envie de parler des bons et des méchants, parce que ce
n’est pas mon métier de juger les gens. Ça appartient aux juges et à la
justice.
    Là-dessus, elle sortit. Jamais elle n’avait
fait un tel esclandre. Les autres professeurs se levèrent aussi, comme si Élise
avait sonné la fin de l’assemblée. Le directeur laissa tomber.
    – Quand elle se décide, la belle Élise,
elle se décide !
    – Il faut du caractère pour être mariée
avec un « importé »…
    – Je peux pas savoir, mais il est
tellement beau !
    – Lui le sait !
    – Être aussi belle qu’il est beau, je le
saurais aussi !
    – Mais quelle mouche l’a piquée ?
    – Ce doit être son état.
    Clément avait trouvé une porte de sortie pour
sauver la face et il venait d’y glisser le pied.
    – Quel état ? Elle serait…
    – Après tant d’années de mariage !
Pourquoi est-ce qu’elle ne nous l’a pas dit ?
    – Parce que c’est un secret.
    – Hein ? Clément, vous avez trahi
son secret !
    Et l’agaçante morosité de la fin de la réunion
fit rapidement place à la joie et au plaisir. Les institutrices jetèrent
toutefois un regard sombre à Clément ; certaines venaient de le priver de
leur confiance.
    Ce soir-là, Élise reçut deux appels de
félicitations pour avoir tenu tête au directeur, trois autres la congratulant
pour sa grossesse, et un de Clément qui, confus et désolé, insistait pour se
faire pardonner son indiscrétion.
    Malgré la bonne volonté de tous, l’école
vivait au rythme des bulletins de nouvelles. Les rumeurs de la journée
changeaient au gré des heures. Tantôt on avait retrouvé le corps de James
Richard Cross, tantôt on avait arrêté les ravisseurs. La pire journée fut
cependant celle du 10 octobre, alors qu’Élise, revenant du village, apprit que
le ministre du Travail, Pierre Laporte, avait été kidnappé devant sa propre
maison. Le rapt avait été revendiqué par une autre cellule de terroristes,
irrités par le refus du gouvernement de remettre en liberté vingt et un
prisonniers politiques et de verser un demi-million de dollars pour la
libération de M. Cross. Élise fit presque une embardée tant la nouvelle
était invraisemblable. Elle immobilisa sa voiture sur l’accotement, chercha une
station qui diffusait de la musique, et

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