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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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parla doucement à son bébé en chantonnant,
la main sur le ventre.
    Élise ne savait que penser. Au moment où Côme
et elle désiraient savourer chaque seconde qui les séparait de la venue de leur
enfant ; au moment où elle avait plus de quatre mois de grossesse de faits
et que son ventre commençait dangereusement à assaillir sa ceinture ; au
moment où son Côme avait réappris à la caresser et à lui chuchoter la vie dans
les oreilles, tout le pays avait cessé de dormir. On découvrit le corps de
Pierre Laporte dans le coffre d’une voiture, tandis que James Richard Cross
demeurait toujours introuvable et que le Premier ministre du Canada, devant l’inexpérience
de celui du Québec – trop jeune et trop bouleversé, supposait-on ;
véritable camouflet, murmurait-on aussi –, promulguait la Loi sur les
mesures de guerre.
    Le coup de canon se fit entendre jusque dans
la quiétude de la petite chambre jaune pâle. Les policiers avaient
perquisitionné chez Micheline et l’avaient conduite en prison. Elle, une
avocate ! Marcel fut assommé. Côme déclara qu’il était de moins en moins à
l’aise dans ce pays et il laissa même entendre à Élise qu’ils pourraient
éventuellement aller vivre en Belgique.
    – Jamais, Côme. Tout va s’arranger, je
m’en occupe.
    Il ne put s’empêcher de rire devant sa
détermination et son sang-froid.
    – Et comment ?
    – J’irai à Montréal et je verrai.
    Élise en informa son directeur, et Côme,
inquiet, la reconduisit chez Blanche.
    – Rassure-toi, mon amour, je vais parler
doucement et penser le moins fort possible, pour éviter que bébé m’entende.
    – Tu reviendras bientôt, non ? On
doit finir de décaper le lit à barreaux.
    – Je sais tout ça. Profites-en pour me
faire une surprise. Fais-le avec ton père. De toute façon, Côme, j’ai la tête
ailleurs. Le ventre ici, mais la tête ailleurs.
     
    * * *
     
    Claude Delambre, sous-ministre de
l’Agriculture, reçut Élise dans son bureau montréalais, satellite de celui de
Québec. Il la félicita pour l’heureux événement prochain. Quand elle lui
demanda d’aider Micheline à sortir de prison, il tomba assis sur sa chaise, en
état de choc.
    – Micheline est en prison ?
    – Tu ne le savais pas ? Ça fait
trois jours. Comme c’est la faute de ton gouvernement… Tu dois connaître le
ministre de la Justice, non ?
    Claude secouait la tête d’étonnement autant
que de dénégation.
    – Oui, et alors ? Penses-tu vraiment
que je peux lui téléphoner comme ça et faire sortir ta sœur ?
    – Ta maîtresse, Claude.
    – Mon ex-maîtresse. Et ne parle pas si
fort.
    Ce fut au tour d’Élise de s’asseoir.
    – Ton ex ?
    Au grand désarroi d’Élise, Claude éclata en
sanglots. Il lui confia que Micheline avait fait la rencontre d’un journaliste
et qu’elle avait eu un coup de foudre terrible, qui l’avait évincé en une nuit.
    – C’est peut-être un peu compréhensible…
    – Après tant d’années, non.
    Élise se releva péniblement. C’était la
première fois qu’elle sentait son ventre lourd à porter. Elle se dirigea vers
la porte, pressée d’aller demander conseil et assistance au cabinet de
Micheline. À défaut d’un sous-ministre, un avocat pourrait être plus utile.
Elle regarda Claude, dont le beau visage ravagé de chagrin lui faisait
franchement pitié.
    – Puis-je t’inviter à midi ?
    – Non, merci.
    Au moment où elle allait sortir, il lui confia
que Micheline avait toujours été la femme la plus intelligente, la plus
imprévisible, la plus pétillante qu’il ait connue, et qu’il ne pouvait accepter
de l’avoir perdue. Élise était mal à l’aise, ne voulant rien connaître de
l’intimité de sa sœur. Aussi tenta-t-elle de le consoler, quoique bien
maladroitement.
    – Tu sais, Claude, je pense que si tu
avais pu l’assumer, elle n’aurait jamais perdu son bébé. Je pense qu’il est
mort parce qu’il savait qu’il serait un problème pour vous deux. Je n’ai jamais
cru que ce n’était pas toi le père, mais Micheline t’a toujours protégé. Vous
avez dû souffrir terriblement, et maintenant que je suis enceinte, je comprends
davantage son regret devant l’inéluctable.
    Claude la regarda comme si elle arrivait à
l’instant de Mars ou de Jupiter.
    – De quel bébé parles-tu ?
    Élise se couvrit la bouche et murmura des
excuses tout en bredouillant qu’elle n’avait rien dit, puis elle sortit

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