Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
crainte de voir sourdre sa douleur passée.
    – Franchement, Côme ! De quel droit
tu te moques de ma sœur ? Que je sache, elle ne t’a rien fait !
    Heurté, Côme se drapa dans son arrogance,
qu’Élise appelait son air de colonisateur.
     
    * * *
     
    Le caveau était bourré de légumes et la
chambre froide, de conserves, quand Élise retrouva son statut de suppléante. Il
ne restait que les choux et les citrouilles à cueillir. Le directeur la
félicita à l’annonce de sa grossesse, la bouche en rictus davantage qu’en
sourire.
    – On peut vous téléphoner jusqu’à
quand ?
    – Jusqu’à la dernière minute, fin
février.
    Élise eut une journée éreintante. Les enfants
étaient rentrés à reculons en ce début de semaine, déçus de l’absence de leur
titulaire.
    – Quand est-ce qu’elle va revenir ?
    – Ma mère a dit qu’elle avait la maladie
des becs.
    Élise apprit ainsi de façon amusante que sa
collègue était atteinte de la mononucléose et que, selon toute apparence, elle
la remplacerait pour un bon moment. Prenant son mal en patience, elle endura
ses petites bêtes venimeuses dans la classe, et elle ne fut donc pas étonnée
quand le directeur lui proposa de rester jusqu’au retour de la titulaire. Son
attente passerait plus rapidement ainsi.
    Élise et Côme décapèrent le berceau du bébé en
écoutant de la musique ainsi que Jacques Brel, qu’ils affectionnaient tous
deux, et ils parlèrent du bébé, puis du bébé et encore du bébé.
    – C’est une fille, j’en suis certaine.
    – Je m’en fous. Pour autant que notre
enfant te ressemble, je vais être comblé.
    – Ah non ! Ce serait plus amusant,
si on a une fille, qu’elle te ressemble, et si on a un garçon, qu’il me
ressemble. Pour mêler les genres un peu… Tu sais, toi maquillé et moi avec une
barbe… Ah !
    Côme, je me sens forcée de tuer le temps.
    – Pourquoi ?
    – Pour que mars arrive plus rapidement.
Je ne sais pas comment je vais faire… Cinq longs mois encore ! Et les
pires de l’année !
    – Pires ?
    – Trois mois de trente et un jours.
    – Février compensera.
    Ils rangèrent pinceaux, torchons, petite
brosse de soie et brosses à dents. Le berceau, dégoté dans le sous-sol de
l’église, était fait de fil de métal ouvré rappelant la dentelle, et suspendu à
la tête et au pied à un support métallique pareillement travaillé. Élise avait
tenu mordicus à le décaper avant de le repeindre, pour s’assurer que la
peinture ne contiendrait pas de plomb.
    – Mais, Élise, il sera trop petit pour y
mordre et s’empoisonner.
    – Mais s’il naît avec une dent ?
    – Pourquoi pas deux, puisque tu en
parles ?
    Ils s’apprêtaient à monter lorsqu’ils
entendirent à la télévision un bulletin spécial annonçant l’enlèvement d’un
diplomate britannique, un certain James Richard Cross, par des membres du Front
de libération du Québec. En moins de trois minutes, Marcel était au téléphone,
hurlant dans le combiné.
    – C’est la faute à de Gaulle ! Il
s’est permis de crier le slogan de ces soi-disant révolutionnaires du haut du
balcon de l’hôtel de ville. Voilà ce que ça donne de ne pas voir plus loin que
son nez, qu’il a pourtant long !
    – Marcel, s’il vous plaît, je n’ai pas
envie de parler de ça en ce moment. Je trouve que c’est bien triste, mais vous
me pardonnerez, je m’en allais dormir.
    – Zut ! Je n’ai jamais eu le sens du
timing, n’est-ce pas ?
    – Ce n’est pas vous, c’est le F. L. Q.
    – Va te coucher, mon petit. Cette
mauvaise nouvelle t’attendra. Et souhaite bonne nuit à mon petit-fils.
    Côme et Élise écoutèrent les nouvelles en
vêtements de nuit, prêts à aller s’assoupir. Élise tiqua en voyant la photo de
la victime, un homme sérieux aux cheveux grisonnants, taillés avec une raie sur
le côté.
    – Exactement la tête d’un finissant
d’Oxford ou de Cambridge. On n’a pas besoin de l’entendre parler pour savoir
que c’est un Brit.
    – Voyons donc, Côme. Il pourrait aussi
bien venir de Mont-Royal ou de Westmount. J’en ai même vu des tonnes comme lui
à Outremont.
    – N’habitait-il pas Westmount ?
    – Ça n’a aucune espèce d’importance. Je
déteste voir le regard des gens qui souffrent.
    – Pourquoi dis-tu cela ?
    – Parce qu’il doit être mort de peur.
C’est qui, ça, le F. L. Q. ? Ça fait des années qu’ils font exploser des
bombes.
    – De

Weitere Kostenlose Bücher