L'abandon de la mésange
le plus
rapidement qu’elle put. Claude claqua la porte, ce qui fit sursauter sa
secrétaire, qui jeta un regard suspicieux à Élise.
* * *
Élise fut accueillie au cabinet de Micheline
par des cris et des grognements. On s’était demandé pourquoi la jeune avocate
s’était absentée sans en avoir avisé personne. Une collègue avait bien émis
l’hypothèse qu’elle pouvait faire partie des personnes arrêtées, mais on avait
balayé l’idée de la main sans même vérifier dans Québec-Presse.
– Micheline n’est membre d’aucun parti
politique ni d’aucune organisation.
– Je pense que, il y a quelques années,
elle était membre du Rassemblement pour l’indépendance nationale.
– Micheline au R. I. N. ?
– Elle avait dû rencontrer un beau jeune
homme qui en était membre…
Si Élise était étonnée de la familiarité des
collègues de Micheline, elle l’était davantage du fait que Micheline ait
raconté ses incartades amoureuses, dont, personnellement, elle n’aurait pas été
fière.
– Je suis venue vous demander de la
retrouver, de la défendre et de la faire sortir de prison. Je peux vous payer.
Après un lourd silence, on lui expliqua très
calmement que Micheline n’avait plus de droits et qu’on ne pouvait rien faire
d’autre que de s’élever publiquement contre la loi.
– Je voudrais aller la voir. M’assurer
qu’elle est bien et qu’elle n’a besoin de rien. Peut-être lui porter des
oranges.
– C’est impossible.
– Ça ne peut pas être impossible !
Élise repensa aux propos de Claude et osa leur
demander si quelqu’un connaissait son amoureux. Pour toute réponse, on lui dit
qu’il était marié et agronome, mais que personne ne l’avait rencontré.
– Micheline a quand même des principes
solides. S’il est marié, elle n’ira jamais foutre le bordel dans son ménage.
Élise plissa le nez en pensant que les
principes pouvaient varier même à l’intérieur d’une famille. Elle se dit que
les amours de Micheline devaient être sérieuses si elle les avait tues. Sa sœur
demeurait toujours une immense énigme.
Elle rentra chez sa mère, qui avait préparé un
panier pour Micheline et qui fut catastrophée d’apprendre que celle-ci, comme
les autres personnes conduites en prison, demeurerait incommunicado.
– Quoi ?
– Incommunicado. C’est tout ce que
j’ai retenu de mon premier cours de droit. On ne peut même pas communiquer avec
elle.
Blanche et Élise se scandalisèrent, pestèrent,
téléphonant à gauche et à droite à la recherche de renseignements ou
d’encouragements. Écrasant son orgueil, Blanche téléphona au père de Claude
Delambre, qui lui affirma ne rien pouvoir.
– Pouvoir ou vouloir ?
– Pouvoir. C’est la loi qui est faite
comme ça. On peut tout vouloir, mais ne rien pouvoir. Et puis je ne connais
personne au gouvernement. Ce n’est plus de ma génération.
– Justement. Ne connaissez-vous pas le
père du Premier ministre ?
– Pas intimement.
– Et des journalistes ?
– Pas intimement.
Blanche avala sa salive en jetant un regard
inquiet en direction d’Élise qui, une main écrasée contre le microphone du
combiné, ne manquait pas un mot de la conversation. Elle haussa les épaules, ne
sachant plus quoi proposer.
– Si je ne vous connaissais pas aussi
bien, monsieur Delambre, je penserais que vous n’êtes pas vraiment prêt à aider
ma fille.
– Votre fille qui aurait pu être ma
belle-fille. Voyez comme je vous connais bien, moi aussi. Y aurait-il autre
chose que je pourrais faire pour vous agréer ?
Élise grimaça et gesticula pour faire
comprendre à sa mère qu’elle devait mettre fin à cette conversation.
– Je crois que non. De toute façon, je
vous remercie.
– Pourquoi ?
– D’avoir pris la peine d’entendre les
récriminations inquiètes d’une mère.
– Le mot est un peu fort. Le
« plaidoyer » d’une mère serait mieux. Au revoir, madame Lauzé, et au
revoir, Élise, si c’est bien vous qui écoutez sur l’autre ligne. J’ai entendu
dire que vous étiez enceinte. Je vous en félicite.
Blanche raccrocha, imitée par Élise, qui vit
alors sa mère donner un coup de poing juste à côté de l’appareil téléphonique.
Elle l’avait rarement vue s’emporter ainsi.
– Ton père le connaissait bien et le
craignait, pour ne pas dire qu’il s’en méfiait. Maintenant, je comprends
pourquoi. Dans quel bourbier
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