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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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savoir. Couvait-elle son
œuf ? Trente ans, primipare. « Bonjour, je suis la maman de… »
La maman de qui ? Elle se mit en position fœtale pour se bercer elle-même,
rejetant l’idée qu’elle était peut-être vide. Nid vide, cœur à l’abandon.
    – Ça va pas, Élise ?
    – Oui, maman. J’écoute la pluie.
    – Je prépare tes rôties ?
    – Non, merci, maman. Plus tard.
Profites-en pour te recoucher.
    C’est si rare qu’on se gâte de sommeil…
    – Hum !
    Sa mère s’approcha d’elle et lui posa la main
sur le front.
    – Tu faisais ça quand j’étais petite et
que je flânais au lit. Je fais pas de fièvre…
    – Tant mieux !
    Élise n’aurait su dire si elle s’était
rendormie, mais le téléphone sonna si fort qu’il fit se soulever la toiture.
Elle se précipita dans l’escalier et perdit l’équilibre quand sa pantoufle,
celle qu’elle n’avait pas réussi à bien enfiler, lui sortit du pied. Elle cria
« Maman ! » en tombant à plat ventre jusque sur le plancher. Sa
mère était déjà à ses côtés.
    – Réveille-toi, Élise, tu fais un
cauchemar !
    Un cauchemar ? Quel bonheur ! Un
cauchemar !
    Elle se mit à rire.
    – Voyons, Élise, qu’est-ce qui se
passe ?
    – J’ai eu peur d’avoir déboulé
l’escalier.
    Au premier coup de sonnerie du téléphone,
Élise cria : « J’y vais ! », et elle se rua vers le salon,
sous le regard suspicieux de sa mère. Elle décrocha le combiné. Blanche
entendit un grand cri, puis un bruit mat. Elle se précipita auprès de sa fille,
évanouie sur le plancher.
    – Mais qu’est-ce qui se passe
aujourd’hui ?
    Elle alla chercher une serviette mouillée et
s’empressa de revenir auprès de sa fille, qui reprenait déjà ses esprits. Elle
lui épongea le front et la nuque. Élise ouvrit les yeux et vit le regard
inquiet de sa mère.
    – Pas de quoi être inquiète, grand-maman…
    Sur ces mots, elle s’évanouit de nouveau
tandis que Blanche se laissait tomber dans le fauteuil.
     
    * * *
     
    Élise et Côme allèrent au cimetière de
Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, et Élise enterra une enveloppe contenant une
clef retenue à un ruban jaune. Sur l’enveloppe, elle avait écrit :
« Pour papa, la clef de l’éternité. »
    Blanche demeura à L’Avenir tout le mois d’août
afin d’être auprès de sa fille, dont l’unique difficulté était de réaliser
qu’elle était enceinte. Micheline venait toutes les fins de semaine, apportant
tantôt les brochures des magasins de meubles, tantôt un vêtement pour bébé.
    – Mais arrête, Micheline ! On ne
sait pas encore si c’est un garçon ou une fille…
    – C’est pour ça que j’ai acheté du jaune
et du vert.
    – Je pense qu’il serait plus prudent
d’attendre qu’Élise ait complété ses trois premiers mois.
    Ce fut comme si Blanche avait ouvert les
vannes d’eau froide de la maison. Côme réagit le premier.
    – Belle-maman, ma femme est en pétante
forme, et le médecin dit que tout va bien pour elle et pour notre enfant.
    Les deux sœurs se jetèrent un regard, triste
celui d’Élise, entendu celui de Micheline, qui prit sa mère par le cou et lui
caressa la joue.
    – C’est pas parce que tu as fait une
fausse couche, maman, qu’Élise va faire une fausse couche.
    Élise se tenait le ventre comme si elle avait
voulu le protéger du destin, tout en admirant la contenance de sa sœur, qui
avait aussi fait une fausse couche. Elle refusait de penser que c’était ce qui
l’attendait.
    – J’en ai perdu deux, vous le savez.
    Blanche grimaçait d’inquiétude en songeant à
la maternité de ses filles. Micheline voyait bien qu’Élise était torturée, mais
celle-ci se rassurait pourtant en se disant que sa sœur avait conçu dans les
pires circonstances possibles, alors qu’elle-même couvait dans une béatitude
éhontée. Aussi décida-t-elle de blaguer, autant pour exorciser ses craintes que
pour consoler les deux « mères » sans enfant.
    – De toute façon, maman, ceux qui me
connaissent disent que tu as fait trois fausses couches et que tu en as eu une…
    Côme renchérit en demandant si ce n’étaient
pas plutôt ceux qui connaissaient Micheline. Celle-ci fit :
« Ah ! ah ! très, très drôle ! », et monta à sa
chambre, étonnant Marcel et Blanche, mais surtout Élise. La grossesse d’Élise
avait apparemment mis à vif la sensibilité de Micheline, mais elle ne lui en
parlerait pas, de

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