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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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douloureux et apaisant pastel qui sortirait
bientôt de ses entrailles. Elle grimaça, « houou », et leva la main.
Toute brave qu’elle fût, elle ne voulait pas que son enfant naisse dans un sac
de couchage. Elle leva encore la main. Sans savoir si c’était son imagination
ou la réalité, elle fut soudain entraînée dans un tournis de douleur si grande
qu’elle entra en symbiose avec celle qu’avait ressentie son père sans cesser de
sourire pour la rassurer alors qu’elle ne cessait de l’empêcher de mourir.
Comment avait-il pu sourire ? « Houou… » Elle leva la main, puis
tourna la tête pour regarder sa mère, qui avait les yeux rivés à sa montre. Un
jour, elle lui raconterait le généreux départ de son père. Elle leva encore la
main.
    Ils avaient péniblement franchi quatre ou cinq
milles lorsque la première motoneige se coinça un patin dans le pare-brise
d’une voiture abandonnée sur la route et recouverte de neige, propulsant son
chauffeur à cinq pieds devant.
    Dans cet enfer blanc, Blanche était de plus en
plus inquiète. Elle alla aussitôt rejoindre l’homme, qui, Dieu merci, n’avait
aucun autre mal que des douleurs intercostales et l’os pubien sensible. Elle
revint ensuite vers sa fille, qui se sortit la tête du sac de couchage, où elle
s’était complètement glissée. Elle faisait pitié à voir, le visage mouillé de
neige et de sueur, les yeux remplis de larmes.
    – Houou ! Je pense que la tête…
    – Ce serait exceptionnel, ma belle, un
premier accouchement en moins de dix heures.
    – La tête… Houou !…
    – On rebrousse chemin. Combien de temps
a-t-on mis pour se rendre ici ?
    Ils revinrent aussi rapidement qu’ils le
purent. Élise ne leva plus la main. La naissance était imminente,
« houou », et elle le savait. Dans son ventre, dans son dos, elle le
savait. Elle n’était plus que douleur, mais il y avait des douleurs
prophétiques : sa propre naissance venait aussi de commencer. L’éternité
de son père, « houou », était là, devant elle. Les flocons
virevoltaient à chacune de ses expirations. Les contractions étaient maintenant
devenues un exaspérant métronome qui battait la mesure entre l’instant présent
et celui de sa maternité. Soudain, le moteur de la motoneige se tut,
« houou », et elle ouvrit les yeux sur sa mère, penchée au-dessus
d’elle.
    – Tu ne peux plus te lever ?
    Élise fit signe que non. Alors sa mère murmura
qu’elle ferait comme pour son frère. Elle demanda qu’on démonte une porte, et,
en trois minutes, Élise fut hissée sur une civière improvisée et fut portée
jusqu’à sa chambre par Marcel, affolé, et le chauffeur de la motoneige,
toujours botté.
    – Mon petit, quelle misérable façon
d’accoucher !
    Ce n’était pas un accouchement, c’était une
torture. Tout en entendant sa mère donner des ordres, Élise fut installée,
« houou », sur son lit dénudé et recouvert du rideau de douche.
Marcel vint porter un plat d’eau et des ciseaux.
    – Toutes les serviettes que vous
trouverez, Marcel, et de la laine aussi.
    Marcel obéit promptement, apportant les
serviettes et la laine à repriser qu’Amélie avait toujours conservée dans un
tiroir de la machine à coudre.
    En grimaçant, Élise souda son regard implorant
au bleu des yeux de sa mère.
    – Je vais mourir… Houou…
    – Non, non ! Est-ce que ça
pousse ?
    Élise fit signe que oui, sans quitter le
regard de sa mère.
    – Marcel, une chaise de cuisine,
vite !
    Blanche installa Élise le plus confortablement
possible et s’assit sur la chaise posée au pied du lit, face à elle. Elle lui
appuya les pieds contre ses épaules et lui demanda de pousser à chaque
contraction, comme on lui avait appris à le faire.
    – Houou… Côme… Houou…
    Dans la cuisine, Marcel, attablé devant une
bouteille de bière, suppliait Mimine d’arrêter la tempête. Élise entendit un
cri et ouvrit les yeux.
    – C’est moi ? Houou…
    – Le prochain cri sera peut-être celui du
bébé.
    Élise grimaça. Elle n’y croyait plus. Tout à
coup, elle se sentit ouvrir comme une porte poussée par un terrible coup de
vent, puis elle entendit vaguement sa mère lui dire que la tête était sortie.
    – Ahaaaa… !
    Dans sa confusion, elle se demanda s’il ne
fallait pas la couvrir pour éviter au bébé de prendre froid.
    – Pousse, Élise ! Une dernière
fois !
    Élise poussa de toutes ses forces, le

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