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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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séparaient de
l’hôpital furent franchis en près d’une heure. Les routes étaient encombrées de
véhicules abandonnés, et à la limite d’être rebouchées par la poudrerie. Élise
regardait son bébé dans la couveuse. Si elle était montée dans l’ambulance en
toute confiance, une mer déchaînée n’aurait pu maintenant l’affoler davantage.
Elle avait peur que le véhicule ne dérape et ne capote. Elle avait peur qu’une
panne de moteur ne les immobilise et que son bébé ne meure de froid. Elle avait
peur qu’il n’étouffe, là, dans son incubateur, sans autre assistance que celle
de l’ambulancier et sa propre impuissance. Elle ne pouvait voir la seconde
ambulance et elle espérait qu’elle était bien là, derrière elle, et non dans un
fossé. Mais elle ne disait rien, ravalant ses craintes au point de se sentir
nauséeuse.
    Les bébés étaient attendus. Les incubateurs
furent portés rapidement aux soins intensifs de la pédiatrie. Deux équipes
médicales s’affairèrent auprès des nouveau-nés, tandis qu’Élise, à qui on avait
interdit l’entrée, tournait comme une lionne en cage. Blanche lui demanda de
s’asseoir près d’elle.
    – Ah ! tant pis, Élise, je vais
rompre une promesse faite à ma mère. Je veux te raconter une histoire.
    Elle raconta alors le tourment de sa mère qui,
sur le point de la mettre au monde, était partie chercher du secours, s’était
égarée dans la tempête et avait été forcée d’accoucher dans la neige.
    – Tu es née dehors, dans la neige ?
    – Oui, je suis née dehors, dans la neige,
et laisse-moi te dire que de te voir souffrir seule sur ton traîneau m’a
bouleversée. Je voyais ma fille aussi malchanceuse que ma mère, et je me disais
que la nature ne vieillirait jamais et qu’elle pouvait encore nous gifler de
toute sa force.
    Élise ferma les yeux et imagina sa mère petite
et fragile comme ses filles, avec une écharpe et la chaleur de sa grand-mère
pour toute protection.
    – C’est pour cette raison que maman a
voulu que je porte le prénom de Blanche.
    Blanche sourit.
    – Un peu ridicule, non ? Blanche-Neige !
Mais toi, pourquoi Violaine et Viviane ?
    – Le V de la victoire, maman ! Le V
de la victoire !
    Lorsque Côme arriva à l’hôpital avec Marcel,
il trouva Blanche endormie près de la porte de l’unité des soins intensifs.
Après lui avoir fourni les vêtements adéquats, on lui permit d’entrer.
S’agenouillant près d’Élise, il lui embrassa les mains. Elle s’éveilla et,
voyant son mari, pleura en silence.
    – Pardonne-moi, mon amour, de t’avoir
inquiétée.
    Elle lui mit deux doigts sur la bouche.
    – Les as-tu vues ?
    – Non.
    Côme se leva et se pencha sur les couveuses.
    – Elles sont absolument identiques.
Comment va-t-on faire pour les distinguer ?
    – Violaine a la laine jaune et Viviane,
la verte.
    Élise abandonna sa tête sur l’épaule de Côme,
qui pleurait en silence.
    – Je suis au septième ciel, Élise, et je
viens d’y voir ma mère.
     
    * * *
     
    Élise était épuisée. Elle veillait ses filles
jour et nuit, s’assoupissant dans un fauteuil tout près d’elles, le sein prêt à
les nourrir ou à les conforter. Elle avait le cœur écrasé chaque fois qu’elle
regardait tomber le goutte-à-goutte dans leurs petits corps si délicats. Chaque
matin, une infirmière venait leur piquer le talon et les petites grimaçaient en
émettant un grognement si faible qu’Élise s’en émouvait, reconnaissant dans ces
filets de gémissement la combativité de son père. On lui promit qu’elle
pourrait les emmener à la maison dès qu’elles pèseraient cinq livres et demie,
à la condition qu’elle ait du soutien. Blanche en fut offusquée.
    – Comme si je pouvais laisser ma fille et
ses bébés toutes seules !
    Micheline prit la relève, permettant ainsi à
sa mère d’aller dormir à la maison. Quant à Élise, elle ne voulut pas en
entendre parler.
    – Je n’ai pas envie de les priver de mon
lait.
    – Tu peux en faire des biberons.
    – Pas question, Micheline. Ce sont mes
filles, mes amours. C’est mon ventre, mes tétines.
    Élise ayant regardé sa sœur avec une fierté
quasi arrogante, Micheline sut qu’elle ne comprendrait jamais le bonheur de
satisfaire des petites lèvres chaudes et affamées. Celui du ventre délesté. La
naissance de ses nièces l’avait troublée plus qu’elle n’aurait pensé, ce qui ne
l’avait pas empêchée de

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