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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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redoutait se produisit. Elle perdit les eaux,
là, sur le plancher, devant la fenêtre.
    Marcel arriva à reculons au volant du
tracteur, la souffleuse étant installée à l’arrière. Blanche émit un
gémissement d’incrédulité.
    – C’est pas vrai, Marcel… On peut pas se
rendre à Drummondville à reculons… Il y a pas moyen d’installer le chasse-neige
devant ?
    – Non. Je suis d’accord avec vous. Si on
n’a pas de motoneige…
    – Misère !
    La tempête était diabolique. À toutes les
minutes ou presque, on annonçait la quantité de neige tombée. Excités, les
animateurs de radio rigolaient, et les météorologues appelés en renfort
parlaient de blizzard.
    – Il faut voir. C’est peut-être une
tempête aussi importante que celle du quatre mars soixante-six à Winnipeg. Et
peut-être même plus. En tout cas, pour une bordée, c’est toute une
bordée !
    Blanche réussit à joindre l’hôpital, où on
était dépassé.
    – Des accidents, des engelures. Mais il
faut pas trop vous inquiéter, votre fille est une primipare.
    – Je sais. Mais la poche des eaux a crevé
et les contractions sont aux quatre minutes. Je sais pas à combien de
centimètres elle est rendue, je l’ai pas examinée.
    Blanche raccrocha, crispée et tendue.
    – Marcel, allez frapper à toutes les
portes et essayez de trouver une motoneige et un traîneau.
    Élise ne reconnaissait pas la femme qui se
trouvait devant elle, mais elle se sentait entre bonnes mains. Il y avait une
infirmière à son chevet et cette infirmière aurait à se retrousser les manches.
    – On n’a pas le temps, maman, de se
rendre à Drummondville.
    – Tu en as pour des heures, Élise. Tu
permets que je t’examine ?
    Élise grimaça, ahana, puis fit un pâle
sourire.
    – C’est le plus beau jour de ma vie,
maman… Mais je me demande comment ça va être quand vont arriver les grosses
contractions…
    – C’est pour ça que j’aimerais qu’on se
rende à l’hôpital. Il y a aucune raison que tu souffres ici alors qu’à
l’hôpital on te donnerait une péridurale.
    Blanche alla à la salle de bains, se tailla
les ongles et se frotta les mains pendant d’interminables minutes. Elle les
passa ensuite à l’alcool à friction et revint auprès de sa fille.
    – Seigneur ! Élise, j’ai pas fait ça
depuis trente-huit. Il me semble que j’ai tout oublié…
    – Demande à papa de nous aider.
    – Surtout pas à ton père ! Il était
beaucoup trop sensible quand il s’agissait de ses « fifilles ». Je
vais demander à ma mère. Elle, elle était expérimentée.
    Élise regarda sa mère. C’était de cette femme
que son père s’était épris, et elle le comprenait. Cette femme était très
belle. Combien d’autres femmes avait-elle aidées à mettre un enfant au
monde ? Dix, vingt ?
    – Aïe ! Et alors ?
    – Près de cinq centimètres. On n’a pas
trop de temps devant nous. Souhaitons que Marcel ait pu trouver du secours.
    Marcel avait trouvé. Élise souffrait ses
contractions en faisant « houou », ce qui émut sa mère. Blanche
aurait juré que sa fille faisait un duo avec le vent. Elle regarda néanmoins sa
montre, l’air inquiet.
    Ils partirent en caravane. Une motoneige
devant pour ouvrir la piste, et la deuxième motoneige qui tirait Élise,
allongée sur un matelas en mousse posé sur un traîneau et emmitouflée dans un
sac de couchage recouvert d’une peau d’ours. Blanche, qui portait les plus
chauds habits de Marcel, se trouvait dans la troisième motoneige, laquelle se
tenait assez proche de la deuxième pour permettre à Blanche de distinguer les
traits de sa fille, qui avait la consigne de lui signaler d’un signe de la main
le début et la fin d’une contraction. Quant à Marcel, il resta à la maison pour
attendre Côme.
    Élise croyait halluciner. Ses douleurs étaient
terribles, sans aucune pitié pour son corps offert aux éléments déchaînés. Elle
leva la main. Jamais elle n’aurait pensé se retrouver ainsi, avec sa mère
auprès d’elle, à grimacer sous des flocons si nombreux qu’elle en avait le
visage couvert. Jamais non plus elle n’aurait cru qu’elle serait si seule et si
souffrante en ce moment le plus important de sa vie. Elle leva encore la main.
Le jour de ses noces, qu’elle avait chéri jusqu’aux aurores de ce 4 mars, lui
paraissait maintenant sans importance. Ce qu’elle se remémorait auparavant en
couleurs vives s’effaçait devant le

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