L'abandon de la mésange
que
les temps changeaient ?
– Ne détournez pas mes paroles,
Micheline ! On aura tout entendu !
* * *
L’église, malgré les rayons de soleil qui en
coloraient les murs en traversant les vitraux, était trop froide au goût
d’Élise. Comme Micheline, elle aurait aimé que ses filles soient baptisées
dehors, à la ferme. Celles-ci étaient magnifiques dans leurs petites robes de
dentelle, comme l’avait finalement admis leur grand-mère. Marcel se tenait
droit aux côtés de Blanche tandis que Côme se tenait près d’Élise. Les
marraines portaient les bébés, et les parrains, radieux, avaient chacun une
main posée sur la menotte de leur filleule. Élise était si émue qu’ils aient
accepté qu’elle avait l’impression d’entendre son père souffler dans la
soufflerie de l’orgue malgré le silence de celui-ci.
Le curé se faisant attendre, Côme passa à la
sacristie pour voir ce qui le retardait. Il s’y heurta à un Père Blanc qui se
hâtait d’enfiler une étole.
– Êtes-vous de la famille des petites
jumelles ?
– Oui. Je suis leur père.
– J’arrive ! Monsieur le curé est
indisposé et, comme j’étais de passage à Drummondville, on m’a demandé de le
remplacer. Allons-y !
Côme, suivi du Père Blanc, retourna aux fonts
baptismaux. Sans comprendre ce qui se passait, Marcel dut soutenir le bras de
Blanche, que l’émotion avait apparemment affaiblie. Quant au père missionnaire,
il se figea au moment où il terminait son exorcisme.
– Vade retro …
Les marraines s’agitèrent et les parrains
suivirent le regard du prêtre. Tous les yeux se posèrent alors sur Blanche, qui
gardait les siens baissés. La cérémonie continua, mais l’officiant bredouilla,
bafouilla et termina en sueur. Micheline fut prise d’un fou rire tandis
qu’Élise essayait de comprendre pourquoi sa mère ne levait pas les yeux. Puis
ce fut la fin et toute la famille sortit sauf Blanche, qui demeura avec le
prêtre. Élise et Micheline s’inquiétaient.
– Je parie que c’est un ami de l’oncle
Paul.
Blanche sortit enfin de l’église en compagnie
du Père Blanc.
– Il devait être beau quand il était
jeune, lui !
– Ah ! Micheline, le monde est pas
divisé entre les beaux et les laids !
– Moi, je pense que oui…
Blanche les rejoignit et leur présenta le
missionnaire, qui rougissait comme un débutant.
– Je vous présente un ami d’enfance,
Napoléon Frigon. Élise, puis-je te dire un mot ?
Voyant sa mère tendue comme une corde de
violon, Élise accepta volontiers que le père Frigon se joigne à la fête. Elle
était toutefois davantage enchantée par la beauté de ce jour et la présence
réconfortante des Philippe.
La fête commença par un concert de pleurs qui
furent rapidement séchés, les petites étant épuisées. Élise ouvrit alors les
cadeaux qui leur étaient destinés. Des marraines, elles reçurent chacune une
chaînette à laquelle pendait un minuscule cœur, de topaze pour Violaine et
d’émeraude pour Viviane.
Leur mère ouvrit un des cadeaux des Philippe
et déplia un pyjama vert à grenouille jaune.
– Oh ! que c’est drôle ! On
avait déjà le jaune à grenouille verte. Je l’ai d’ailleurs peinte sur le mur de
leur chambre.
Dans les autres paquets, elle découvrit, bien
emballées, des reproductions de ses robes de petite fille, en deux exemplaires.
Elle les prit lentement et les sentit.
– Ça sent mes souvenirs ! Maman,
regarde !
Blanche ne réagissait pas.
– Regarde, maman !
– Oh ! tu as vu, Élise ? Ce
sont des robes exactement comme les tiennes quand tu étais petite.
– Vraiment ?
Élise voyait bien que quelque chose clochait
chez sa mère, mais elle n’avait pas encore compris que c’était la présence de
cet ami de Paul qui la troublait. Elle essaya de n’y plus penser. Lorsqu’elle
vit Wilson attacher la chaînette au cou de Violaine, elle fut littéralement
subjuguée. Ses gestes étaient d’une telle douceur et il ne cessait de parler au
bébé de sa voix remplie de soleil. Il lui caressait le cou comme si elle eût
été une porcelaine fragile. Elle le regarda fermer le minuscule loquet avec une
touchante attention. Violaine l’écoutait sans le quitter de ses grands yeux
ronds. Quand Wilson lui croqua les joues, la petite éclata de rire comme elle
le faisait souvent avec sa mère et son grand-père, mais rarement avec Côme.
Wilson recommença son manège avec
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