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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Claude ?
    – J’imagine qu’il va bien.
    – Et toi, Micheline ?
    – Jamais été aussi bien de ma vie !
    – Tant mieux !
    Seules les cigales et les grillons comblaient
le silence qui régnait dans la cour de la ferme.
    – Je t’ai vue aller, Micheline. Wilson
Philippe, pas touche ! Il est marié.
    – Justement, je peux toucher, puisqu’il est
marié…
    – J’ai dit : pas touche,
Micheline !
    Micheline regarda l’ovale sombre que formait
le visage de sa sœur par cette nuit sans lune et vit que ses yeux étaient aussi
éclatants que les lucioles qui avaient envahi le jardin. Elle ne sut s’ils
reflétaient la colère ou la peur. Elle se leva et rentra tandis qu’Élise allait
retrouver ses chevaux.
    – Micheline, pas touche !

– 34 –
     
     
    Napoléon avait enlevé sa soutane blanche et il
portait une chemise bleue à manches courtes qu’il n’avait pas boutonnée jusqu’au
cou, un pantalon de velours côtelé très usé – « Tu n’as pas chaud
avec ça ? – Oui, mais je suis parti rapidement et je n’ai pas eu le
temps de me changer » – et des sandales visiblement neuves. Pour la
première fois en quinze ans, Blanche s’était permis de remplacer son voile noir
de nonne par un voile blanc de postulante. Elle avait l’âme en émoi et elle put
penser à Clovis sans qu’une larme apparaisse au coin de ses yeux. Comme elle,
Napoléon avait vieilli, mais son visage, celui qui l’avait séduite et non celui
qui l’avait rebutée, était aussi désirable. Ses cheveux, toujours aussi épais,
avaient changé de couleur aux tempes, mais il les portait encore avec autant
d’allure. Dans la nuit odorante, les deux anciens amoureux étaient assis sur
les rives de la rivière Saint-François.
    – Saint François d’Assise… Fils d’un
riche marchand, devenu hippie… Un ermite qui s’est retrouvé à la tête d’une
confrérie, qu’il a abandonnée à cause de la gestion… Ça lui puait au nez… Il
est redevenu ermite, est tombé malade et a même vu apparaître des stigmates sur
son corps… Il est mort à peu près à quarante-cinq ans. Un saint homme !
    – Une chance que mes filles ne
t’entendent pas… Micheline crierait : « Un malade à interner avec les
fous ! »
    – Elle aurait probablement raison. On
s’interroge tous. As-tu remarqué, Blanche, la quantité de prêtres qui ont pendu
leur soutane ? L’Église va s’effondrer à cause de l’érosion de ses
fondements.
    Blanche cherchait à accrocher ses souvenirs à
ces lèvres qui se serraient et à cette langue qui les humectait. Il était
toujours prêtre, mais elle entendait le grondement de son tourment. Combien
elle avait été immature pour lui tenir rigueur de la profondeur de son
sentiment ! Mais cette défection lui avait permis de rencontrer son Clovis
et de plonger la tête la première dans le bonheur.
    – Je n’ai pas été mariée longtemps. De
trente-huit à cinquante-six. J’avais à peine eu le temps de m’être imprégnée de
son odeur qu’on me l’enlevait et que j’étais veuve.
    – En as-tu perdu la foi, Blanche ?
    Étonnée, elle fit une grimace.
    – Je ne me suis jamais posé la question.
Disons que j’ai la foi de la peur.
    – C’est-à-dire… ?
    – Que j’ai peur du vide, du néant. J’ai
peur de ne plus jamais revoir Clovis, comme j’ai peur de ne jamais revoir mes
filles et maintenant mes petites-filles.
    – Et c’est là ta foi ?
    – Bon, Napoléon, on n’est pas dans un
confessionnal…
    Napoléon éclata de rire, puis retrouva son
sérieux.
    – Tu m’as dit la même chose au parc
Lafontaine. Tu t’en souviens ? J’aurais quand même aimé être au confessionnal
pour t’entendre me révéler tes faiblesses, Blanche…
    – Mes faiblesses ?
    Napoléon la fixa dans les yeux et elle ne
cligna pas. L’homme qui lui parlait l’aimait encore, elle l’aurait juré. Son
cœur bondit et elle ne sut comment interpréter cet élan. Était-ce de la joie ou
un sursaut d’émoi ?
    – Tu permets ?
    Napoléon lui prit la main et en toucha chacun
des doigts, s’arrêtant longuement sur son alliance, qu’il tourna et retourna
autour de l’annulaire. Blanche ne savait si elle devait retirer sa main ou la
lui laisser.
    – J’ai tant espéré que cette alliance
soit la mienne.
    Blanche vit des larmes s’agglutiner à ses
cils.
    – Si j’ai bon souvenir, Napoléon, je
t’avais dit que ton col romain te tenait en laisse

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